Chapitre 5 | Les résultats

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  Le trajet retour avait quelque chose de lugubre. Nous étions moins nombreux qu'à l'aller. Je tentais de me persuader que ceux qui n'étaient pas là étaient rentrés autrement, et qu'ils étaient quelque part, sains et saufs. A mon grand soulagement, Hiro était à mes côtés, bien que sa joue gauche soit enflée. Je ne cherchai pas à en connaître la raison. Il était tard, et une légère fatigue se faisait ressentir.
  Lorsque le camion nous déposa devant le lycée, la nuit était tombée et une brise froide du mois de novembre nous sortit brusquement de notre lassitude. Je n'avais qu'une envie: rentrer chez moi, et y rester. Malgré les coupures de courant, il y faisait tout de même plus chaud qu'à l'extérieur.

  Je m'entêtais à dire à ma mère que tout s'était bien passé. Elle ne voulait pas me croire à cause d'un bleu que j'avais au visage, que je m'étais fait lorsque le militaire m'avait jetée en dehors du camion. Mais il est vrai que, comparée à Hiro, je m'en sortais bien.
  Je redoutais la journée de demain. Je ne voulais pas connaître les résultats. Si j'étais Magicy, ils contrôleraient ma mère et ma sœur, et l'une de nous deux devra partir au Jeu. En revanche, si je ne l'étais pas, Ambre n'était pas hors de danger pour autant. Renonçant à imaginer les pires scénarios possibles jusqu'à l'inévitable lendemain, je finis par m'endormir.
  Je ne savais rien du Jeu, je n'aimais pas vraiment le regarder à la télévision. Car, oui, le Jeu était retransmis en direct. Au début, il ne suscitait pas grand intérêt, mais au fur et à mesure, les gens ont commencé à s'intéresser au spectacle qu'offraient ces Magicys capables de contrôler un élément. D'abord vus comme des monstres, ils étaient aussi devenus des bêtes de foire.

  Avant de partir pour le lycée, lorsque je vis Ambre dans la salle de bain en train de démêler ses cheveux châtain, je ne pus résister à l'envie de la serrer dans mes bras pour lui dire au revoir. D'habitude, je me contentais d'un signe de la main quand je partais. Mais là, j'avais peur de ne jamais la revoir. Je savais que cette peur était irrationnelle, mais les émotions sont dures à réprimer. Elle avait sûrement compris car elle ne me repoussa pas, au contraire, et elle me dit pour me rassurer:

« - Ne t'en fais pas, c'est pas la peine d'avoir peur pour un bout de papier qui dit que tu es négative. »

  Elle avait un sourire réconfortant et me donna un petit coup sur l'épaule, chose que l'on faisait pour se donner du courage, avant d'ajouter:

« - Tout va bien se passer, tu le saurais si tu étais Magicy, c'était une erreur. »

  Je la remerciais en m'éloignant. Elle était parvenue à me donner un peu de courage, et j'avais l'espoir d'être une ces "erreurs de détection". Alors que je marchais dans l'air froid du matin, je croisai Hiro sur le chemin du lycée. Il me faisait de grands signes de la main, et je pensai qu'il ne pouvait pas tomber mieux. Il est la seule personne avec qui je pouvais parler de ce qui s'était passé, en prenant soin de ne jamais mentionner ma sœur. Il me proposa de faire un détour par la forêt, nous n'étions pourtant pas en avance.

« - Ils nous ont dit d'être au lycée à 11h pour les résultats, on a le droit de sécher un peu avant. » Se justifia-t-il.

  J'y réfléchis quelques instant, avant d'accepter sa proposition. J'aurai peut être quelques ennuis à cause de mon absence, mais je voulais profiter de la forêt avant les résultats. Je ne savais pas ce qui se passerait si j'étais positive, mais je préférais ne pas l'imaginer. Hiro et moi marchions dans ce décor flamboyant. Des feuilles orangées ornaient les arbres, et certaines tombaient, décorant le sol par petites touches de marron clair, dégageant une ambiance calme et apaisante.
  J'aimais cette forêt, je m'y rendais souvent avec Yohan et Mikaël, avant. Ses arbres et ses ruisseaux constituaient pour moi un refuge, et un superbe terrain de jeu lorsque nous y allions tous les trois. Elle nous permettait d'échapper aux caméras pour quelques heures.
Le chant des oiseaux venait parfois se mêler au bruit de nos pas et du vent s'engouffrant entre les arbres. Hiro et moi nous arrêtâmes devant un bloc de pierres auquel étaient adossés les restes d'une vieille cabane, ce qui me rendait nostalgique. J'escaladai la pierre, suivie de Hiro, pour m'asseoir au sommet. Nous parlions de tout et de rien, jusqu'à ce que j'aperçoive un écureuil. Il me rappelait le temps où les pénuries de nourriture étaient graves, au point de mener à des famines. A cette époque là, tout le monde était maigre. L'argent ne mettait personne à l'abri de la faim. Les magasins étaient vides, et quelques enfants en bas âge avaient succombé. Peu avant le déménagement de Yohan et Mikaël, nous nous rendions souvent chasser avec leur père. Les plantes comestibles qu'on y trouvait s'additionnait à notre gibier et nous ont permis de traverser cet épisode de famine sans finir squelettiques. La chasse n'était pas interdite, mais peu de monde la pratiquait, car il était illégal de posséder des armes à feu. Nous chassions grâce à des pièges et des couteaux, ainsi que quelques armes que nous avions fabriquées nous même, qui se brisaient assez rapidement.

Leur Jeu : SurvivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant