Chapitre 23

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Même si je connais Mathieu depuis la crèche et que nous nous sommes mutuellement vu grandir, un blanc s'installe entre nous. Je sens une gêne s'insinuer en moi, froide et cruelle. Mon corps, ainsi exposé sous ses yeux, me donne des frissons que je ne saurai décrire. J'enfonce mes pieds dans la fraîcheur du sable, comme si cela pouvait m'aider à disparaître.

— On va se baigner ? je suis plein de sable, se justifie-t-il comme pour appuyer son propos.

Je ne réponds pas, mes yeux perdus dans l'immensité de l'océan. Et dire qu'il ne le verra peut-être même plus dans quelques semaines. Je pense à mon frère, mon esprit pas tout à fait ancré dans la réalité.

Je m'allonge sur le sable, les mains posées sur mon ventre qui s'abaisse et se gonfle au rythme de ma respiration.

— Tu as dit quoi ? me demande Mathieu, dont je sens les yeux insistant se poser sur moi alors qu'il s'apprête à se relever.

J'ai peur...

— J'ai peur... je parviens à souffler, la voix rauque et la bouche pâteuse.

Je sais qu'il m'a entendu, je sens toujours ses yeux posés sur moi mais c'est à peine si je l'entend respirer.

— Je ne l'ai jamais vu aussi faible, je continue. Ses yeux ne sourient plus. Et puis son corps est tellement frêle que j'ai peur qu'il se brise au moindre mouvement.

C'est la première fois que je suis capable de matérialiser ces pensées. Ces pensées que je préfère taire au fond de moi. Ces pensées qui me consument à petit feu, mais que je ne veux pas m'avouer.

Les larmes coulent sans que je ne puisse les retenir. Mais me voilà lancée alors je ne peux plus m'arrêter.

Avec les années j'ai appris à connaître un peu plus en détail, sa maladie et ses traitements. Donc il m'a fallu qu'un simple regard aux quelques papiers posés sur la table du salon pour remarquer que la dose de médicaments de mon frère avait été augmentée.

Le sable contre mon dos me gratte, je sens le soleil brûler ma peau et je plonge les yeux dans le ciel bleu. Tout simplement pour éviter le regard de Mathieu qui court sur mon corps.

— Ils ont augmenté son traitement, je lâche alors comme du poison. Il est plus assez fort pour le faire tout seul... Il est plus assez fort pour combattre la maladie tout seul... ma voix se brise à la fin de ma phrase et les larmes coulent d'elles-mêmes.

Je dois être pathétique à regarder, pourtant je sens ses bras me ramener contre son torse et il me laisse pleurer contre lui. Mathieu caresse mes cheveux avec délicatesse, sa main descend contre mon épaule et un frisson me parcourt lorsque je le sens effleurer mes cicatrices. Son geste se stoppe un court instant.

Et si mes cicatrices le répugnait ?

Et si il me trouvait sale ?

Et si je lui faisait peur ? Je suis brisée, perdue, je ne serre plus à rien... Qui voudra bien de moi ?

Sans me juger, sa main continue son chemin le long de mon corps et il me serre encore plus fort contre lui. Un doux frisson me parcourt pendant que les larmes coulent toujours. Mais cette fois ce n'est plus des larmes de tristesse, mais d'émotion qui coulent le long de mon visage.

Ses yeux me surplombent et je n'ose pas croiser son regard. Je sens son souffle se rapprocher et sans que m'en rende compte, ses lèvres se posent juste en dessous de mon yeux. Puis sur ma joue. Avant de venir rencontrer le bas de mon menton. Ses lèvres chaudes m'apaisent, pendant qu'il embrasse chacune des larmes qui perlent sur mon visage.

Je Te PrometsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant