CHAPITRE 2: AMBROISE

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Aujourd'hui est le jour des Unifications, comme ils l'appellent. C'est une cérémonie annuelle où tous les apprentis mages, l'année de leur dix-huitème anniversaire, reçoivent la bénédiction des sept sorciers et deviennent alors des magiciens à part entière.

Je suis arrivé à Arcaneas il y a de cela quelques semaines. La première fois que j'ai découvert cet endroit, en plein centre du royaume du Nord, j'ai été complètement émerveillé par sa beauté. Perché au sommet de falaises abruptes, le sanctuaire semblait toucher le ciel. Les bâtiments étaient impressionnants, avec des tours élégantes qui se perdaient dans les nuages. Les murs étaient sculptés dans une pierre sombre marbrée de veines argentées qui captaient la lumière de façon à projeter des éclats scintillants sur le sol. Il y avait aussi des runes anciennes gravées sur l'ensemble des façades. Les jardins, qu'il fallait traverser avant d'atteindre l'entrée du sanctuaire, étaient enveloppés d'une ambiance de crépuscule où la lumière semblait toujours en retrait, malgré leur luxure et leurs plantes exotiques aux couleurs vives. Cette atmosphère étrange, presque surnaturelle, n'était pas seulement le résultat de la nature, mais un symbole évident de la puissance des mages qui habitent ce lieu, et des sorciers qui les protègent. Chaque détail, chaque ombre, chaque éclat de lumière était soigneusement orchestré pour refléter leur maîtrise de la magie et leur autorité. Ces illusions soulignaient le fait qu'Arcaneas était un sanctuaire dédié aux dotés et non pas aux simples humains. Ces derniers, s'ils décidaient de s'y aventurer, périraient dans l'instant.

Les sorciers, maîtres et protecteurs des lieux, sont des êtres exceptionnels capables de lire dans les âmes, de déplacer des objets par la seule force de l'esprit ou de manipuler les faits et gestes d'autrui. Tant de facultés qui inspirent respect, envie, et peur au monde entier. Au sein du sanctuaire, les dotés étudient leur passé et leur présent, en passant par leur convictions, croyances et exploits. De véritables dieux.

Depuis le début de la guerre, il y a de cela bientôt deux décennies, les sorciers voyagent énormément à travers les cinq royaumes et ne restent jamais à Arcaneas très longtemps. Leur visite annuelle est donc un grand honneur que les dotés attendent avec impatience. C'est la confrérie des Sept en personne, regroupant les plus anciens et puissants des sorciers, qui sera présente ce soir pour la cérémonie de l'Unification.

J'atteindrai l'âge de dix-huit ans dans quelques mois, ce qui fait de moi un apprenti mage et un participant à la cérémonie. Je suis venu ici pour échapper à mon passé, pour prendre un nouveau départ en intégrant une communauté de personnes qui me ressemblent. Cependant, peu de temps après mon arrivée, j'ai découvert l'existence de cette cérémonie et ce qu'elle implique : les sorciers pénètrent l'esprit de chaque apprenti, un par un. Ils explorent les souvenirs, les pensées et les intentions les plus profondes, se délectant de chaque détail pour ne faire qu'un avec nous. C'est un processus intime, où l'apprenti est totalement exposé, vulnérable face au jugement des sorciers. Cette communion mentale assure que nos intentions sont pures et que nous sommes prêts à servir leur cause, à tout jamais.

Les autres attendent ce moment avec impatience, rêvant du jour où ils seront enfin reconnus comme de véritables magiciens. Pour moi, c'est une condamnation. Les laisser pénétrer mon esprit et découvrir qui je suis réellement, signerait tout simplement mon arrêt de mort.

***

Les sorciers étaient arrivés en fin de soirée, vêtus de tuniques et capes noires corbeau. Nous les attendions dans une grande salle plongée dans la pénombre, seulement sapée par les runes ornant les murs et le cercle de lumière incrusté dans le sol. Les sorciers avaient besoin de se concentrer uniquement sur nos esprits, et toute lumière du jour pouvait nuire à leur concentration.  À peine eurent-ils posé un pied dans la salle que l'atmosphère devint plus pesante, plus sombre. Un silence enveloppa la pièce. Je sentis la peur, l'adrénaline et même l'excitation gagner mes camarades. Je savais que ce n'étaient pas mes émotions, j'arrivais à les distinguer des miennes la plus part du temps, mais je les ressentais avec autant de vigueur et de réalisme.

Les héritiers du sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant