CHAPITRE 7: EMELYN

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On chuchota à mon oreille :

Ne fais plus aucun bruit.

Prayan. Ce n'était que lui. Un bref soulagement me parcourut, aussitôt supplanté par une pointe d'angoisse. Le ton du chasseur, empreint d'une urgence inédite, m'immobilisa. J'acquiesçai doucement, incapable de répondre autrement à sa supplique.

Prayan retira prudemment sa main droite de ma bouche, me permettant de respirer librement, mais il ne relâcha pas son étreinte pour autant. Son bras gauche restait fermement enroulé autour de moi, me maintenant contre lui. Je sentais son souffle chaud effleurer ma nuque, et son torse pressé contre mon dos. Lentement, il commença à nous faire reculer, ses pas légers et furtifs tranchaient avec ma respiration saccadée. L'air était lourd, saturé d'une humidité suffocante qui collait à ma peau. Une brume épaisse rampait au sol, s'accrochant aux racines noueuses qui perçaient la terre.

Mes yeux fouillèrent frénétiquement la forêt, cherchant à comprendre ce qui avait pu troubler ainsi Prayan. Avait-il aperçu quelqu'un ? Un de ses élèves, peut-être ? Non, il ne réagirait pas de la sorte. Alors... avait-il aperçu quelque chose ? Mon sang se glaça à cette pensée. Et si c'était la même créature qui avait attaqué les villageois retrouvés morts plus tôt dans la journée ? Prayan avait refusé de me dire ce qui les avait tués, prétendant l'ignorer, mais j'étais convaincue qu'il me cachait la vérité. J'avais insisté, réclamant le droit de savoir, mais il s'était renfermé, refusant de répondre. Depuis, nous n'avions plus échangé un mot de la soirée.
Est-ce que cette bête nous avait suivis jusque-là, traquant notre campement dans l'obscurité ?
« On ne campe pas ici » avait dit Prayan. Mon esprit s'emballa, et je dus me forcer à fermer la bouche, tentant de maîtriser ma respiration devenue erratique. Mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine. La panique montait en moi, rendant mes pas maladroits et bruyants. Prayan le remarqua immédiatement. Sans un mot, il s'arrêta et me souleva légèrement du sol, ses mains fermes m'agrippant par la taille pour m'empêcher de faire le moindre bruit. À peine avions-nous reculé de quelques mètres qu'un bruit sourd résonna à travers les arbres, comme un sombre avertissement. Puis, un braillement grave et guttural déchira le silence, faisant vibrer l'air autour de nous. Le son était terrifiant, un rugissement primal venu des entrailles de la terre.

Prayan se figea, son corps tendu comme un arc. « Merde », murmura-t-il, sa voix à peine audible. Une silhouette émergea alors de l'obscurité, se matérialisant à partir des ombres elles-mêmes. La créature était immense, une abomination insectoïde rappelant une araignée, mais d'une taille inimaginable. Ses innombrables pattes effilées s'enfonçaient dans le sol avec une fluidité glaçante. Sa peau translucide laissait apparaître un réseau de veines dans lesquelles circulait un sang d'un bleu luminescent, baignant la forêt d'une lueur spectrale. Sa gueule béante, hérissée de crocs étincelants, émit un nouveau rugissement qui résonna dans la nuit, ébranlant mes nerfs.

La terreur me paralysa en voyant cette monstruosité se dresser devant nous. Prayan, sans la moindre hésitation, relâcha son étreinte et se plaça devant moi, son épée déjà dégainée, prête à frapper. Je n'avais même pas remarqué jusqu'alors qu'il en possédait une. Une promesse silencieuse se grava dans mon esprit : à l'avenir, je devrais être plus attentive.

Cours, ordonna-t-il d'une voix dure, ses yeux fixés sur la créature.

Qu'est-ce que c'est que... ? balbutiai-je, incapable de détourner le regard de l'horreur qui nous faisait face.

Mais Prayan ne me laissa pas finir :

Va t-en ! hurla-t-il, son ton impérieux ne laissant place à aucune discussion.

Le souffle court, je lui jetai un dernier regard terrifié avant de me tourner et de courir aussi vite que possible. Les bruits de la forêt semblaient s'intensifier autour de moi, les ombres dansantes se transformaient en formes indistinctes, et chaque racine, chaque branche semblait conspirer pour me ralentir. Derrière moi, j'entendais la créature rugir de plus belle, suivie du sifflement tranchant de l'épée de Prayan fendillant l'air.

Les héritiers du sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant