CHAPITRE 5: EMELYN

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Après m'avoir demandé si j'avais faim, et à ma réponse affirmative, l'homme enfila une veste sombre, aux bords effilochés, et partit chasser. Sa silhouette disparut rapidement parmi les arbres.

Je me retrouvai seule devant la rivière, dont les reflets argentés scintillaient sous le soleil. Décidant de retirer ma robe salie par la terre et le sang pour me décrasser, je plongeai un pied dans la rivière. L'eau, peu profonde et étonnamment limpide, laissait voir le fond tapissé de petits cailloux lisses et de quelques poissons filant ça et là. Sa transparence me rassura, bien que mon rythme cardiaque s'accéléra lorsque je mis mes deux jambes dans l'eau et m'agenouillai. Je pouvais sentir la fraîcheur envahir chaque pore de ma peau. Malgré mes efforts, je ne parvins qu'à enlever partiellement la terre incrustée sous mes ongles et les brindilles emmêlées dans mes cheveux.

De retour près du cheval noir, dont le pelage luisait au soleil, je m'assis par terre à côté de lui, sentant la terre sèche et dure sous mes fesses. J'attendais ainsi quelques minutes lorsque l'homme revint. Ce n'est qu'à cet instant que je remarquai l'arc, finement sculpté et les flèches accrochés dans son dos, leurs plumes noires vibrant légèrement à chacun de ses pas. Un petit lièvre mort pendait mollement dans sa main droite. Je ne pouvais détacher mon regard de son frêle petit corps. Une profonde nausée m'envahit, montant de mon estomac à ma gorge. Mon expression devait trahir mon dégoût car l'homme prit la parole, ses yeux se plissant légèrement :

— Quoi ? Tu n'as jamais vu d'animal mort ?

Je le regardai et me raclai la gorge, essayant de masquer ma réaction.

— Si. Bien sûr que si.

Juste pas un que j'allais manger. À l'orphelinat, nous étions végétariens. Mlle Maude disait que les animaux "attireraient trop l'attention", plus que douze adolescentes apparemment.
La vérité aurait suscité des questions de la part de cet homme, alors je préférais mentir.

Le chasseur leva un sourcil, sceptique.

— Eh bien si tu n'en veux pas...

Non ! Ce n'est pas ce que je voulais dire !

Je mourais de faim. Même si l'idée de manger un animal si mignon ne m'enchantait guère, j'aurais mangé n'importe quoi à cet instant.

Le visage de l'homme se détendit légèrement. Il me fixa encore un instant avant de s'asseoir sur un tronc d'arbre, dont l'écorce rugueuse se détachait par endroits. Sans un mot, il commença à dépecer le lapin avec une précision à la fois froide et effrayante. Un haut-le-cœur me saisit, me forçant à détourner le regard vers la rivière, où les reflets de l'eau dansaient paisiblement.

— Tu devrais t'endurcir davantage, fillette. Si la simple vue d'un lapin mort t'impressionne, tu ne survivras pas longtemps dans cette forêt.

Je plissai les yeux. Je détestais sa manière de me surnommer.

— Je ne suis pas une fillette. crachai-je.

L'homme lâcha un rire sourd et un éclat ironique apparut dans ses yeux. Ce qui m'irrita d'autant plus. Il devait avoir quoi ? Vingt-cinq ans ? Trente tout au plus ? Il ajusta les flèches derrière son dos avec une fluidité déconcertante.

Comment t'appelles-tu ?

La question me prit de cours. Sa manière de changer de sujet me décontenançait, me laissant avec une sensation de malaise. Je restai interdite.

Il soupira, visiblement agacé par mon silence.

— Si je connaissais ton prénom, peut-être que je cesserais de t'appeler comme ça, tu ne crois pas ?

Les héritiers du sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant