Les héritiers du sang

CHAPITRE 6: AMBROISE

Nous entrâmes dans la salle d'histoire habituelle, mais cette fois, l'atmosphère y était différente. Les autres apprentis discutaient à voix basse, et il émanait d'eux une nervosité palpable. L'annonce du tournoi semblait avoir éveillé de vives émotions chez beaucoup, et je pouvais presque toucher du doigt le trouble et l'excitation flottant dans l'air, comme une brume invisible et oppressante. Les fenêtres, habituellement closes, avaient été entrouvertes, laissant pénétrer une lumière grise et diffuse. Les rangées de pupitres en bois, usés par le temps et par les générations d'élèves qui s'y étaient assis avant nous, étaient disposées en demi-cercle face à un large tableau noir. Le parquet grinçait sous nos pieds tandis que nous prenions place, l'air chargé de l'odeur familière de vieux livres et de craie. Comme les autres, je m'installai sur un des pupitres au fond de la salle, essayant de me faire discret, comme d'habitude.

Maître Sorel, notre professeur, se tenait déjà devant le tableau, le dos droit, les mains croisées derrière lui. Je l'avais aperçu plus tôt sur l'estrade, en grande conversation avec l'un des Sept. Il m'avait paru préoccupé.

Après que tout le monde se fut installé, il prit la parole :

— Mes jeunes apprentis, commença-t-il en attirant immédiatement notre attention, aujourd'hui est un grand jour. (sa voix, calme mais autoritaire, résonnait dans la salle.)Vous avez passé des années à étudier la magie, à apprendre ses fondements, ses règles, et surtout ses dangers. Jusqu'à présent, tout cela vous a peut-être semblé théorique, éloigné de votre réalité quotidienne. Mais aujourd'hui, vous allez enfin découvrir les véritables raisons pour lesquelles nous vous avons préparés avec tant de soin.

Il marqua une courte pause, balayant notre groupe du regard. Nous l'écoutions tous avec la plus grande attention, moi le premier. Sans même m'en rendre compte, je me penchais en avant, buvant ses paroles. Je n'étais ici que depuis quelques semaines, et tout ce que je savais semblait dérisoire face à ce que les autres devaient avoir déjà intégré depuis des années. Nos cours étaient variés : histoire des cinq royaumes, éthique et responsabilité magique, langues anciennes et contemporaines, sciences naturelles, art, botanique et même des sessions d'initiation à la survie et à la chasse pour les plus aventuriers d'entre nous. J'avais seulement eu un aperçu de ces matières, peut-être un dixième de ce que les autres maîtrisaient déjà. L'ironie, c'est que même si j'avais entendu parler de la magie, c'était toujours de manière floue. Les règles ici étaient strictes : il était interdit de discuter de magie entre nous hormis les cours, encore moins de nos pouvoirs personnels. C'était pour nous protéger, nous avaient-ils dit. Mais cette règle avait créé une sorte de barrière invisible entre nous, ajoutant à mon sentiment de décalage. J'étais entouré de jeunes magiciens qui savaient bien plus que moi, mais qui ne pouvaient pas m'en parler. Tout ce que j'avais pu glaner jusqu'à présent venait des bribes de conversations captées en passant, des murmures étouffés dans les couloirs.

Alors, quand Sorel reprit la parole, je m'accrochais à chaque mot.

— Les dons, ou pouvoirs, continua-t-il, se classent en plusieurs catégories, allant des plus basiques et utiles aux plus rares et dangereux. Il est essentiel que vous les connaissiez, non seulement pour invoquer le votre correctement, mais aussi pour en comprendre les nombreux risques.

Un frisson parcourut ma colonne vertébrale. Je n'avais pas eu besoin de cours pour comprendre les dangers de la magie. Les dangers de ma magie.

— Commençons par les Dons Élémentaires, reprit le professeur en inscrivant les mots sur le tableau noir. Ce pouvoir permet à celui qui le détient de contrôler les forces fondamentales de la nature : feu, eau, terre et air. Ces éléments, comme ce don, sont au centre de tout, les fondements mêmes de notre monde et de notre magie. Ce don est très utile et courant. L'an dernier, la grande majorité de la promotion a invoqué ce don.