Chapitre 1

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    Deux coups de feu retentissent dans la maison. Eliza me fixe, stupéfaite, paralysée par la terreur. Autour de nous, le temps semble s'être arrêté, chaque seconde s'étirant à l'infini. Nos respirations suspendues, nous tendons l'oreille pour tenter de déchiffrer les murmures de voix inconnues qui s'élèvent du rez-de-chaussée. Depuis notre cachette à l'étage, il est presque impossible d'entendre suffisamment pour comprendre ce qui se dit.

    Soudain, nous distinguons des pas lourds et déterminés commencer à monter l'escalier craquant. Je vois la peur se refléter dans les yeux de ma petite sœur, ses pupilles dilatées par l'effroi. Des petites perles de chagrin commencent à se former au creux de ses yeux. Je mets mon index devant mes lèvres en chuchotant, "Ne bouge pas," dans un souffle à peine audible.

    Dans notre chambre règne une ambiance étouffante, presque palpable. La faible lueur de la lune filtre à travers les rideaux déchirés, projetant des ombres inquiétantes sur les murs. Les pas se rapprochent, résonnant de manière sinistre sur le parquet. Ils passent devant notre porte, marquant une pause qui semble durer une éternité, puis continuent leur chemin jusqu'au bout du couloir.

    J'aimerais pouvoir quitter mon lit pour rejoindre celui d'Eliza et la prendre dans mes bras, lui offrir un réconfort que je suis moi-même incapable de ressentir. Mais le vieux parquet, aux lames disjointes et grinçantes, et les ressorts usés de nos lits mettraient à mal nos efforts de discrétion.

    Je reste donc immobile, le cœur battant à tout rompre, priant en silence pour que les intrus ne découvrent pas notre cachette. Dans ma tête, je joue en boucle ce que papa nous répète assez souvent : « la peur est un sentiment, votre courage est une réalité. »

    L'attente est insupportable, chaque minute s'écoulant avec une lenteur exaspérante. Je serre les dents, les muscles tendus, essayant de maîtriser la panique qui menace de m'envahir. Eliza et moi échangeons un regard, une compréhension muette passant entre nous : nous devons rester silencieuses, invisibles, pour avoir une chance de survivre à cette inspection de conformité.

    Il devient de plus en plus compliqué pour ma sœur de contenir sa peur, et elle laisse échapper quelques sanglots qu'elle étouffe dans son lapin en peluche. Ses petites mains serrent désespérément l'animal de tissu, comme si ce geste pouvait la protéger de l'horreur qui se déroule autour de nous. Les larmes coulent silencieusement sur ses joues, et je sens mon propre cœur se briser un peu plus à chaque instant.

   Ce n'est pas la première fois que les Sentinelles viennent à l'improviste pour fouiller la maison. Leur présence est devenue une constante sinistre de notre existence. Ils surgissent sans prévenir, enfonçant les portes avec une brutalité méthodique, leurs bottes martelant le sol avec une détermination froide. Chaque visite est un rappel brutal de notre vulnérabilité et de la mainmise implacable du régime sur nos vies.

    Il n'est pas rare de devoir prouver que nous ne possédons aucune marchandise illégale. Les Sentinelles sont impitoyables dans leur quête. En retournant chaque meuble, fouillant chaque recoin, ils sont à la recherche de la moindre infraction. Le miel, par exemple, est interdit pour nous. On ne peut en posséder qu'à partir de 700 CC (Crédits de Civisme). Nous faisons partie de la Seconde Classe avec un score de 302. À deux points d'être des Indésirables.

    Je me souviens de la dernière fois qu'elles ont trouvé un pot de miel chez les voisins, de Seconde Classe également. La famille entière a été emmenée, et nous n'avons plus jamais entendu parler d'eux. Le souvenir de leurs cris résonne encore dans ma tête. Chaque inspection est une épreuve de nerfs, une lutte silencieuse pour maintenir l'apparence de conformité tout en dissimulant notre terreur.

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