Chapitre 7

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    Le repas se déroule sans problème. Madame Sterling nous a donné quelques informations sur Serena et son arrivée. Amias a fait étalage de son charme durant tout le dîner, ne laissant passer aucune occasion de se mettre la supérieure dans la poche. Kael a mené la conversation. Il savait que je n'étais pas très à l'aise. Quant à moi, je me suis contentée d'acquiescer aux différentes remarques et d'afficher mon plus beau sourire.

    Lorsque j'ai rejoint ma chambre, Lucinda n'était pas encore endormie malgré le couvre-feu. Elle était blottie sous sa couette et je me suis glissée sous la mienne. Le tissu froid des draps en contacte avec ma peau detend mes jambes alourdies par le stress. Le sommeil me fuit, cela dit. Cela fait bien une heure que je me retourne sans cesse. Si j'étais chez moi, je ABme serais endormie en un temps record. Mais ce n'est pas le cas. Cet endroit ne sera jamais ma maison.

    Je me mets dos au mur, dans un dernier espoir d'enfin trouver la position idéale. Celle dans laquelle Morphée viendra me cueillir pour m'emmener dans son monde magique.

— Tu ne dors pas ? me souffle Lucinda, manquant presque de me faire tomber du lit.

— Luci ! Tu m'as fait peur ! je m'exclame. Non, impossible de fermer l'œil.

— Désolée, je te vois tourner en rond depuis tout à l'heure, ça ne va pas ?

    Elle s'assoit en tailleur sur son matelas. Ses cheveux roux vont dans tous les sens. Elle prend son oreiller et le pose sur ses genoux.

— Ça va. Si on veut. J'ai du mal à me faire à cet endroit.

    Je me redresse et adopte sa posture. Elle m'adresse un sourire compatissant.

— Durant ma première semaine ici, je n'ai quasiment pas dormi. Les idées noires ne me laissaient aucun répit.

— Comment tu as fait pour les dissiper ?

    Elle hausse les épaules et laisse sa tête tomber en arrière contre le mur. Elle lâche un long soupir. Son sourire a disparu.

— Je n'ai rien fait. Elles se sont arrêtées du jour au lendemain.

— L'habitude ?

— Non, dit-elle en fermant les yeux. L'abandon.

    Je ne réponds pas. Je me rallonge, sentant un poids se poser sur ma poitrine. Les mots de Lucinda résonnent dans la chambre. Son discours est cru et contraste avec son optimisme. J'ai l'impression grandissante que cet endroit ne se contente pas de former des "citoyens modèles". On y rentre avec toute la complexité qui fait de nous des êtres uniques et on en sort sans plus aucune nuance. Toute ambition y est anéantie. Je me fais la promesse de ne jamais laisser mon étincelle intérieure s'éteindre. Jamais.

    Le lendemain matin, je me réveille en sursaut. La voix de MAR-E retentit dans tout l'institut.

— Phase de sommeil terminée. Veuillez quitter vos lits et vous diriger vers les sanitaires.

    Lucinda grogne dans son oreiller qu'elle presse contre son visage. Je quitte mon lit, en titubant à cause de la fatigue et regarde par la fenêtre. L'aube a peint le ciel d'un rose orangé. La lune est encore visible, prête à donner le relais au soleil. Quelques étoiles parsèment encore le plafond du monde. Le spectacle astral vient peindre les murs des immeubles avec ses couleurs.

— Il est quelle heure ? je demande, la voix rauque.

— Six heures trente, m'indique Luci en quittant son lit.

    Ses yeux verts sont cernés par la courte nuit de repos. Elle prend une pile de vêtements propres dans son casier et attend devant la porte. Je fais de même et la porte s'ouvre quelques secondes plus tard. Les sentinelles nous dirigent vers les salles de bains. La grande pièce carrelée reverbent les goutent d'eau qui tombent des robinets. Des dizaines de douches et de toilettes sont séparées par des parois opaques et en face, le même nombre de lavabos. Dans un coin, une caméra surveille la pièce. Le plafond est craquelé, visible victime de l'humidité. Les pas des pieds nus sur le sol carrelé résonnent dans toute la pièce.

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