Chapitre 12

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— Sir Thomas et Lady Elisabeth, quel plaisir de vous revoir ! s'exclama Lady Carolyn. J'espère que vous avez fait un agréable voyage depuis Londres.

— Fort plaisant, le soleil nous a gratifiés de sa présence.

Carolyn balaya la pièce du regard avant de revenir vers nous.

— Je m'excuse pour ce spectacle, nous sommes dans les ultimes préparatifs, je ne vous attendais pas si tôt.

— C'est à moi de vous présenter mes excuses, déclara Fellow en s'inclinant. Pour ne rien vous cacher, c'est ma curiosité qui m'a poussé à venir en avance. Sachant que vous serez très occupée pendant la soirée, je me suis permis d'anticiper mon arrivée, j'espérais que vous auriez quelques instants pour me montrer vos derniers travaux. Depuis notre délicieuse conversation au théâtre, je rêve d'en apprendre plus.

— Il n'est pas nécessaire de flatter autant mon orgueil, répondit-elle avec un sourire malicieux. J'apprécie tellement de parler d'archéologie que le vrai risque, c'est que j'en parle trop.

Elle écarta grand les bras, pour montrer qu'elle se mettait à notre entière disposition.

— Par quoi puis-je commencer ?

— Racontez-nous votre dernier voyage, demandai-je.

Ce qui me valut un discret mouvement de sourcil de Fellow que j'interprétai comme un « bien joué ».

— Mon dernier voyage était le rêve de tout archéologue, cette terre où il y a tant à découvrir et de si imposantes merveilles...

— L'Égypte ? hasarda Sir Thomas.

— Oui ! En revanche, j'ai souffert de la chaleur. Quelle joie de retrouver notre fraicheur anglaise !

La jeune femme filiforme s'animait d'une énergie communicative quand elle parlait de sa passion et je me sentis transportée sur le dos d'un dromadaire sous un soleil de plomb à l'affût de quelques vieux squelettes enrubannés. Mon tuteur, bien qu'il s'en était défendu pendant le trajet, buvait ses paroles avec un intérêt qui n'était pas réservé qu'à l'archéologie. Elle nous narra les pyramides, les momies, le Nil, le tout en dirigeant les préparatifs de la soirée.

— Oh, mais j'y pense, vous devriez voir ce que j'ai ramené de mes voyages. Nous avons le temps avant l'arrivée des invités.

J'attrapai sa rapide moue quand elle fit allusion à la horde à venir.

— La perspective de la réception ne semble pas vous réjouir, hasardai-je.

— Mes parents espèrent encore que ce genre d'évènements me permettra de trouver un mari. Ils ne comprennent pas que j'en ai déjà un qui s'appelle l'Histoire. Allez, suivez-moi jusqu'à mon cabinet.

Les yeux de Fellow s'illuminèrent. Je n'eus aucun mal à deviner ce qu'il avait en tête : si elle avait le carnet de Chipperfield, il devait être là.

Elle nous entraîna dans des escaliers, des couloirs et des salons tous plus richement décorer les uns que les autres. J'étais littéralement attirée par toutes ces babioles. Un bougeoir par ici, un vase dans cette alcôve, une montre oubliée sur une commode. Je peinais rester concentrée pour rattacher les plans étudiés cette nuit avec le chemin que nous parcourions. Ce château était tellement vaste. Lady Carolyn finit par pousser une porte de bois sombre et nous pénétrâmes dans la pièce sans aucun doute la plus étrange de la demeure. Comme si un apothicaire avait élu domicile dans une bibliothèque. Après une tornade. De grandes étagères habillaient les murs et pas un seul rayon n'était vide. Des statuettes, des livres, des flacons et toutes sortes d'objets inconnus les occupaient dans un ordre chaotique. Sur le bureau se dressait une chaine de montagnes à base de carnets et de papiers jaunis. Je m'approchai de la fenêtre d'où je pus découvrir que les douves se rejoignaient à l'arrière du manoir en un petit lac. Une balade arborée y avait été aménagée. Au-delà s'étendait une épaisse forêt, probablement pour la chasse.

Elisabeth Magpie et les cristaux de lumièresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant