Lady Carolyn nous prépara des chambres et nous offrit la possibilité de nous laver. J'en avais grand besoin, il n'y a pas que mes vêtements qui étaient dans un état lamentable. Notre hôte resta cependant prudente, des valets avaient été postés pour surveiller nos allers et venues. Chat échaudé craint l'eau froide. Ces dispositions ne m'empêchèrent pas de dormir comme une souche.
Le lendemain, une femme de chambre tira sans préavis les rideaux de ma fenêtre et me déposa une tenue de rechange sur une chaise. Je pris cela comme une injection de la part de Lady Carolyn à quitter les draps. J'enfilai la robe. Elle s'avérait bien plus simple et modeste que ce que j'avais porté ces derniers jours, ce qui n'était pas pour me déplaire. Je dus me débrouiller pour ajuster la longueur, elle était bien trop grande pour moi. Je sortis de la pièce et un valet m'escorta jusqu'à la vaste table du petit-déjeuner. Divers mets y étaient disposés dans des plats en argent ou en porcelaine fine, tous plus appétissants les uns que les autres. Seul Thomas Fellow était présent, assis en face de la porte, vêtu du même costume qu'hier. Sa mine arborait une arrogante fraicheur qui ne laissait en rien supposer de nos mésaventures nocturnes. Peut-être parce que son rôle au cours de la soirée avait consisté à dormir dans un placard.
— Mes respects du jour, Mademoiselle Magpie. Avez-vous passé une douce nuit ?
— Suffisante pour récupérer quelques forces.
Je le rejoignis et attrapai une assiette que je remplis avec l'appétit d'une personne qui a sauté un repas. Je me jetai sur les œufs brouillés et le pain, que Fellow compléta avec une grappe de raisin.
— C'est pour votre santé, commenta-t-il.
— Elle vous préoccupait moins quand je me faisais rouer de coups hier soir, grommelai-je la bouche pleine.
Il se contenta de rire. Lady Carolyn nous rejoint à cet instant.
— Je suis heureuse de constater que l'effraction de la veille n'a pas entamé votre bonne humeur. Je vous prie de m'excuser par avance si je suis un brin plus maussade.
— Nous ne saurons vous en tenir rigueur. Je gage cependant que les pitreries de mademoiselle Magpie arriveront à vous voler un sourire.
Elle arqua un sourcil, presque une invitation au défi. Un valet s'approcha et lui servit un thé.
— Et si nous revenions à notre affaire ? Vous nous avez laissées sur un suspense hier soir. Il serait temps d'y mettre fin. Qui est le clan McAllow ?
Ses yeux noirs étaient braqués sur Fellow.
— Comme vous le savez certainement, cela fait à peine plus de cent ans que les clans écossais ont été humiliés lors de la bataille de Culloden. Depuis la couronne d'Angleterre n'a eu de cesse que de détruire et interdire le mode de vie des highlanders. Dès lors, leur rancœur grandissante est aisément compréhensible. Les McAllow sont une famille puissante et ces dernières années, ils ont plus ou moins pris la tête des Écossais mécontents. La croissance de leur entreprise bénéficia du retrait de la scène publique de la Reine Victoria.
— Le retrait ? m'étonnai-je.
— Oui, depuis la mort de son mari, le prince-consort Albert de Saxe-Cobourg-Gotha, elle est beaucoup moins présente. Ses ennemis la savent affaiblie et deviennent plus téméraires. Ainsi de nombreux clans n'ont pas hésité à rejoindre les McAllow. Et nos colonies s'agitent également. En France, par exemple, la rancœur est au moins aussi forte qu'en Écosse. Les McAllow s'en servent. Ils ont en particulier noué des liens secrets avec Charles Louis Napoléon Bonaparte, le neveu de Napoléon 1er. Il ne rêve que de redonner son indépendance à la France et d'en devenir le prochain empereur. Sa mégalomanie le pousse à vouloir remplacer son illustre oncle dans les livres d'histoire.
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Elisabeth Magpie et les cristaux de lumières
ParanormalDans un monde sous la domination de l'Empire Victorien, Eli, jeune orpheline des rues est recrutée par le singulier Sir Thomas Fellow pour l'épauler sur l'assassinat du professeur Chipperfield. Ils découvrent alors que ce dernier étudiait d'étranges...