Prologue

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La lune et le soleil furent créés à partir d'un destin tragique.

Tout débute d'une tragédie. Si ce n'est pas le cas, c'est ainsi que ça se termine.
       
Il y a un temps où la lune et le soleil n'existaient pas.
       
Ça paraît irréel, car on les a toujours connus. Et pourtant, il y a toujours un avant.
       
Le soleil scintille de mille feux, la lune vit dans son ombre. Le blanc, le noir. Le bien, le mal. La nuit, le jour.
Dans la mythologie Aztèque, ce sont les dieux qui étaient chargés de décider qui allait devenir l'étoile de notre planète. Seulement deux volontaires se présentèrent : Tecuciztecatl, riche et arrogant, vêtu de plumes ainsi que d'ornements précieux, et Nanahuatzin, pauvre et humble, couvert de plaies, modeste, sans prétention. Les divinités réalisèrent un grand feu de bûcher pour le sacrifice. Tecuciztecatl hésita plusieurs fois avant de sauter, ce fut Nanahuatzin qui se précipita promptement et sans hésitation dans les flammes. Par son acte d'humilité et de bravoure, il devint le soleil. Tecuciztecatl honteux, l'imita, ce qui fit de lui la lune.
Une certaine complémentarité. Deux contraires dont on a besoin.

À mon sens, les meilleures relations naissent d'opposés.

Ce n'est que de cette façon que l'un sera autant épanoui que l'autre. Deux étoiles trop proches finissent par exploser, ou l'une prend toujours le dessus.

C'est pourquoi, mon seul amour restera à jamais ma sœur. L'unique pour qui j'accepte la calamité. Je brûle quand elle s'éteint, elle luit quand je palis. On forme un tout et un rien.

Lorsqu'elle m'appelle en proie à la détresse, je n'ai d'autre choix que d'être son Nanahuatzin. Et ça a toujours été ainsi, car son cœur n'est que cendres pendant que le mien chauffe pour nous deux. La preuve en est, je suis là, à patienter pour l'entendre à nouveau s'abattre sur son sort.

Les portes de la prison s'ouvrent devant moi comme celles de l'enfer, prêtes à m'accueillir. Casquette enfoncée, lunettes de marque et mon chewing-gum à la cerise claquant sur ma langue, je tends ma carte d'identité au gardien.

Ses paupières se plissent pour lire.

— Jaïro, Konan, Yoalli Reyes...

Il lève les yeux vers moi et m'ordonne de retirer mes lunettes et mon couvre-chef. Je m'exécute, libérant mes mèches châtaines et relevant mes LV sur ma tête. Il a un léger mouvement de recul, puis un coin de sa joue frétille.

— Tu connais le protocole. Tes affaires dans le casier et tu respectes les règles.
— Compte sur moi... Richard.

Il ne bronche pas. Déçu, je traverse le couloir sous les regards des policiers. Je range mes accessoires dans le casier prévu à cet effet et entends un agent lancer :

— Ce que t'as dans la bouche, à la poubelle.

Je lève les mains et, tout en le fixant, laisse tomber mon chewing-gum dans la poubelle.

On me guide vers la salle de visite, non sans avertissement :

— Vingt minutes, pas plus.
— Sept suffisent pour atterrir au paradis, répliqué-je en haussant les sourcils.

L'agent ne réagit pas et m'ouvre la porte d'une petite salle de visite, où une vitre séparera le monde extérieur de celui de ma sœur. Elle est déjà assise de l'autre côté, le combiné dans la main.

Elle n'a pas changé. Elle a toujours l'air insolente avec ses cheveux aussi roses qu'un bonbon, ses yeux de biches aux longs cils et sa bouche pulpeuse capable de détruire le monde d'une phrase. Mon double maléfique. Le froid dans son état le plus pur. Tecuciztecatl dans son apparat. La plus belle des araignées, tissant ses toiles pour atteindre ses fins.

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