Chapitre 21

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Elle m'invite à m'asseoir à côté d'elle.

« Alors, il t'a plu, mon sandwich ? » Je ris, étonné par ce changement soudain de conversation.

« Bah, c'était un sandwich, rien d'extraordinaire.

— Mais si ! C'est moi qui l'ai fait, donc c'est forcément meilleur.

— Le mien aurait été meilleur. Tu as oublié mes talents de cuisinier ?

— Malheureusement, non. Mon estomac s'en souvient encore. »

Nous rions et je lui lance un coussin à la tête.

« Ce n'est pas ma faute si le thon était périmé. Sinon, mon plat aurait été excellent.

— Bien sûr !

— Tu me mets au défi ? » Elle hoche de la tête. La prenant au mot, je lui prends le bras et nous descendons dans la cuisine.

« Tu as déjà mangé ?

— Non, je n'avais pas très faim. » Je lui souris, comprenant la raison. On réagit parfois de la même manière. Elle s'assoit près du comptoir, et je m'appuie de l'autre côté face à elle.

« Que veux-tu manger ?

— Surprends-moi. » Un sourire malicieux se dessine sur mon visage.

« Donc, je peux mettre tout ce que tu n'aimes pas ?

— Tu n'oserais pas ? » Je ne lui réponds pas et commence ma préparation.

Je décide de lui préparer des œufs cocotte, simples à faire, et je sais que c'est un de ses petits péchés mignons. Je préchauffe le four et sors les ingrédients. Je sens le regard de Léna sur moi, elle ne me lâche pas. Mon corps permet de cacher ce que je fais. En même temps que je prépare les œufs cocotte, je décide de préparer une pâte à crêpe. Quand je sors la farine, Léna se lève pour me rejoindre derrière le comptoir. Je lui fais face pour bloquer le passage.

« Retourne t'asseoir.

— Mais j'ai le droit...

— Non, ce soir tu es ma cliente. Reste assise, tout va bien se passer. »

Elle ne bouge pas, déterminée à découvrir ce que je mijote. Je la prends par le bras et la dirige vers le tabouret. Elle se laisse faire en croisant les bras. Je finis mes préparations. J'essaie d'attirer son attention avec des gestes théâtraux, mais elle fait semblant de m'ignorer. Pensant que je ne la regarde pas, je sens son regard sur moi, ce qui me fait sourire.

« Je sais que je suis beau gosse, » je lance, un brin de taquinerie dans la voix.

— Je ne te regarde pas, Ed, je regarde mon plat. » Au même moment, le four bipe, signalant que le dîner est prêt. Enfilant mes gants de cuisine, je sors les plats fumants, les déposant sur la table avec une précision théâtrale. Son visage reste de marbre, mais ses yeux trahissent son envie. Je m'assois en face d'elle et j'attends qu'elle déguste. Elle se comporte comme une critique, elle « analyse » le plat, le sent, tâtonne alors qu'elle connaît ce plat par cœur. Je retiens mon sourire, plongeant dans mon assiette. Après cette petite comédie, elle commence enfin à manger. Elle trempe un bout de pain dans le plat, et je vois son visage s'émerveiller. Elle retient sa satisfaction pour ne pas montrer qu'elle apprécie mon plat. Nous mangeons en silence, un calme réconfortant s'installant entre nous. L'assiette se vide devant elle, et mon sourire s'élargit.

« Je crois que j'ai gagné.

— Hm... Oui, c'était... acceptable, » dit-elle, un sourire taquin dans la voix.

« Arrête de te moquer de moi et viens m'aider à faire des crêpes.

— Je t'ai déjà dit que tu étais génial ?

— Pas assez. » Elle me donne une pichenette et me rejoint dans la cuisine. Je sors la poêle et nous nous mettons au travail. Léna est vraiment maladroite, transformant la cuisine en champ de bataille, la pâte éclaboussant bien au-delà du comptoir. Chaque fois qu'elle fait sauter les crêpes, elle n'arrive pas à les rattraper, ce qui nous fait éclater de rire. Avant qu'une autre catastrophe n'arrive, je reprends les rênes, échangeant un regard amusé avec elle.

« Mais comment tu fais chez toi ?

— C'est Eliott qui s'occupe des crêpes, il ne me laisse jamais faire.

— Je comprends pourquoi. » Elle me tape sur le bras, je ris et elle s'assoit sur le bar.

« En parlant d'Eliott, je voulais te remercier.

— Je n'ai rien fait. Il faut remercier Loïc. Ils se sont bien trouvés.

— Peut-être, mais c'est après ta conversation avec lui qu'il est redevenu comme avant. »

Je lui souris tendrement, continuant ma tâche.

« Tu dessinais quoi avant que j'arrive ? » Sa question me prend de court. Face à son regard curieux, je choisis l'évasion, lui tendant une crêpe dorée. Avant même de réagir, elle savoure sa crêpe.

« Je sais, c'est la meilleure crêpe que tu as mangée. Je passerai la recette à Eliott. » Elle me retape sur le bras en rigolant. Notre conversation virevolte sur des sujets légers, avant de parler de Lola.

« Que vas-tu faire avec Lola ? » Elle soupire.

« Je ne sais pas... Il faut que je lui parle, mais à chaque fois on se prend la tête. Je n'arrive plus à la comprendre, pourquoi aller aussi loin... Je sais que j'ai merdé avec Paul, mais... Elle n'était pas comme ça avant et j'ai toujours cette nostalgie. Mais je crois qu'on ne sera jamais comme avant. »

Un silence s'installe.

« Tu sais de quand datent ces photos ? » Je me crispe. Je sens son regard curieux cherchant une vérité oubliée.

« Elles datent de la période où tu étais avec Nick. » Ma réponse la prend au dépourvu, elle doute de mes paroles.

« T'es sûr ? Ce n'est pas après ?

— Certain. » La certitude dans ma voix la surprend, son regard se perd dans le vide, comme si elle tentait de recoller les morceaux d'un passé qu'elle a choisi d'oublier ou idéalisé sans le savoir. Je n'ai pas envie de la brusquer avec mes réponses et même si je dis la vérité, je sais qu'elle ne me croira pas.

ElleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant