Plus j'approchais du manoir Pennwood, plus je m'impatientais. Ainsi quand le carrosse s'arrêta dans la cour, je n'attendis pas que le cocher m'ouvre la porte comme l'aurait fait une dame de mon rang. Le marchepied en métal grinça sous ma bottine. Je courus vers le bâtiment de briques rouges avant de gravir les marches du perron. Le heurtoir cogna la porte avec force. Tous les occupants avaient dû m'entendre. Tant mieux.
Un majordome grincheux vint m'ouvrir.
— Est-ce que Lady Carolyn est là ? l'attaquai-je sans introduction.
Le doute se manifesta. J'aurais dû la prévenir par télégramme. Elle se trouvait peut-être à Londres.
— Qui dois-je annoncer ? me toisa l'employé de maison.
— Elisabeth Magpie.
Il s'effaça et me laissa pénétrer dans le vestibule, à contrecœur. Après m'avoir fait signe de rester ici, il s'enfuit vers les entrailles du manoir. Aujourd'hui, cette énième attente dans un hall de privilégiés m'agaça. Mon ami était en danger. Les activités futiles de ces individus méritaient-elles qu'un domestique prenne des pincettes pour savoir s'ils pouvaient être dérangés ? Ne pouvait-on pas me conduire directement à Lady Carolyn ? Je décidai de m'y rendre toute seule. Je fonçai vers son cabinet sous le regard étonné de femmes de chambre occupées à épousseter d'onéreux bibelots.
Je ne pris pas la peine de frapper et ouvris la porte d'un geste brusque qui surprit le majordome et Lady Carolyn. Elle était assise à son bureau dans de vieux manuscrits.
— Mademoiselle Magpie ! commença l'homme irrité.
— Laissez, Gordon, le coupa Carolyn. Elisabeth est une amie. Allez nous préparer un thé et vérifier si nous avons une chambre prête.
Il inclina la tête, l'air contrarié, et quitta la pièce.
— Ma chère Elisabeth, je ne m'attendais pas à vous revoir si vite. Quel plaisir...
— Lady Carolyn, excusez-moi de sauter les politesses, j'ai besoin de votre aide et je crains que le temps nous manque.
— Au point de ne pas vous assoir et profiter d'un thé ?
Je soupirai avant de céder. Je n'avais rien bu depuis ce matin.
— Allez, racontez-moi. Quelles aventures avez-vous vécues depuis votre départ de Pennwood ?
Je lui narrai alors notre voyage vers l'Écosse, le plan de Fellow, la conversation en Callum et Eugenia McAllow, mon improvisation, ma fuite et la chute du ballon. Isis fut ma seule omission. Je craignais qu'elle n'approuve pas mes échanges avec une ennemie.
— Donc Thomas a le carnet, les McAllow ont une copie et tout ce beau monde part à la recherche d'un trésor de joyaux magiques.
— Oui, mais les McAllow souhaitent aussi le capturer pour... Je ne sais pas trop, mais je sais qu'il est en danger. Et seul contre les McAllow, il n'a aucune chance. Nous devons l'aider.
— Oui et sans oublier que ces maudits Écossais envisagent de déclencher une guerre européenne. Avez-vous des idées où Sir Thomas pourrait se réfugier ?
Les seuls lieux que je voyais étaient le Joyeux cochon et la maison londonienne où il m'avait hébergée. Nos ennemies les connaissaient également, il n'y serait pas caché.
— Non, aucune. J'imaginais que notre unique moyen de le retrouver était découvrir l'emplacement des cristaux. Je comptais sur le fait que vous vous souviendriez de nouvelles choses du carnet.
Carolyn fit la moue.
— Malheureusement, ce n'est pas le cas, rien ne m'est revenu.
Je m'avachis dans ma chaise. Il n'y avait donc aucun espoir et tout dépendrait de Fellow. S'il échouait, l'Europe risquait d'être ravagée, pire que pendant les guerres napoléoniennes.
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Elisabeth Magpie et les cristaux de lumières
FantastiqueDans un monde sous la domination de l'Empire Victorien, Eli, jeune orpheline des rues est recrutée par le singulier Sir Thomas Fellow pour l'épauler sur l'assassinat du professeur Chipperfield. Ils découvrent alors que ce dernier étudiait d'étranges...