01. J'ai rencontré une fille

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☂︎︎

Ilian

Une fois dans ma vie, et rien qu'une fois, j'ai fait une rencontre qui en a bouleversé le cours. Et il ne reste que cinq secondes avant que je ne replonge dans cette histoire.


Quatre.


Trois.


Deux.


Un...








7 septembre, Paris

Le vent soufflait, les feuilles bruissaient, en contrebas, le monde s'agitait. Angoissé par tous ces élèves qui grouillaient dans la cour pendant la pause, je m'étais réfugié là-haut, sur le toit. De là, tout allait bien. J'étais un peu seul, certes, mais rien d'inhabituel. Ma solitude ne faisait pas obstacle à ma tranquillité, alors ça allait. Assis sur le sol en pierre, je me reposais un peu. Cela faisait trois jours que je dormais mal ; mon plus jeune frère, Assen, était en train de faire ses dents et les douleurs qui le prenaient la nuit m'empêchaient de dormir correctement.

Sans sommeil, impossible de rester concentré et ne pas avoir d'examens constituait une bénédiction. Alors, je profitais du repos pour me mettre à jour : mathématiques, lettres, histoire... Comprendre et apprendre. Deux étapes de la réussite. Je tournais les pages de l'un de mes cahiers d'une main et mangeais mon sandwich préparé le matin même à la va-vite de l'autre. Quelle douce vie que la vie de lycéen. Coincé entre le monde innocent de l'enfance et celui rude de l'adulte, je me trouvais dans un entre-deux qui m'excluait de ces cases plutôt que de m'y faire entrer. Une solution : fuir. Mais comment fuir ce qu'on ne peut pas nommer ? C'est en me posant cette question que j'ai compris que fuir n'était pas la bonne solution. Se distraire possédait une bien meilleure efficacité. Ma distraction résidait dans les cours. Bien travailler, avoir de bons résultats... Ma satisfaction personnelle et un accomplissement collectif.

Perdu dans mes pensées, j'en fus délogé par une voix mélodieuse qui résonna au-dessus de moi.

— Quel genre d'être humain es-tu pour travailler lors de ta pause déjeuner ?

Lorsque je me suis retourné, j'ai eu du mal à distinguer son visage sous sa casquette, elle était perchée au-dessus de la cage d'escalier, et le soleil en contre-jour m'empêchait de m'attarder sur sa silhouette.  Tout ce que je voyais, c'étaient ses cheveux noirs.

Elle s'est approchée vers moi, et ma panique a augmenté. Je haïssais du plus profond de mon être être dérangé dans mon travail, encore plus par quelqu'un que je ne connaissais pas. Je voulais qu'elle parte, mais je n'ai osé rien dire. Trop timide pour montrer une quelconque forme d'opposition.

J'étais assis en tailleur, entouré de mes affaires. Elle ne s'est pas gênée pour les décaler de son pied et s'asseoir près de moi. Abasourdi, je l'ai regardée faire et son parfum a chatouillé mes narines. Ca sentait les bombes de peinture et le caramel. Bizarre comme mélange.

Et puis, cette étrange fille m'a expliqué, de nulle part et sans raisons apparentes, mon cours.

— Tu vois, ici c'est juste une erreur de signes donc si tu la corriges, ta dérivée est la même que dans la question d'après et ...

Pourquoi le faisait-elle ? Je n'en ai aucune idée. Pourquoi l'avais-je laissée faire ? Je n'en ai toujours aucune idée. Tout ce que je sais c'est qu'elle était là, à côté de moi et que depuis le début de l'année, je n'avais mangé avec personne avant elle.

LES ENNUIS DE SELENAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant