09. J'ai quatre petits frères

0 0 0
                                    



☂︎︎

Ilian



18 octobre, Paris



La bibliothèque de l'Académie du roi Soleil était tellement immense qu'on aurait pu s'y perdre au bout de cinq pas. Construite il y a des décennies, elle ressemblait en tout point à la bibliothèque Mazarine. Des échelles de bois à chaque étagère, des milliers de documents, des tableaux vieux de plusieurs siècles... Pourtant, malgré cette sublime pièce, je me trouvais seul, attablé dans un coin près de la fenêtre avec mes papiers étalés devant moi.



Avec le changement d'horaire, la nuit était tombée alors qu'il était à peine dix-sept heures vingt. La pluie bruinait contre la vitre, m'offrant l'atmosphère de travail parfaite. Alors pourquoi est-ce que depuis un quart d'heure je n'avais écrit que deux lignes de ma dissertation ? Je n'avais pas toute la soirée : à peine une heure plus tard, je devais aller récupérer mes frères à l'école primaire.



Une certaine fille aux cheveux noirs ne voulait pas quitter mon esprit.



La dernière fois que nous nous étions vus, avec Selena, c'était ce vendredi-là, pour manger. Elle m'avait ensuite raccompagné près de chez moi, avant de repartir en une fraction de seconde. À cet instant précis, j'avais pris conscience du risque que j'avais pris, et de son influence sur moi.



J'étais sorti avec une inconnue sans prévenir personne, je ne savais pas où nous allions avant d'être arrivé, j'étais monté sur sa moto alors que je n'avais aucune garantie qu'elle avait vraiment le permis et cette inconnue était réputée pour être une anomalie dans le système. Pire encore, je l'avais vue agir. Je l'avais vue brûler ces copies d'examen dans le plus grand des calmes et je n'avais pas eu envie de fuir.



Il n'aurait pas été correct de ma part de lui reprocher à elle d'être une anomalie si je ne pouvais même pas l'éviter. Au contraire. On aurait dit ces enfants ingrats qui voulaient absolument avoir le seul jouet qu'ils n'avaient pas. Je me dégoûtais encore plus.



Où était donc passé mon instinct de survie ? N'étais-je bon qu'à suivre, sans mener ? Je devais me ressaisir. Je devais changer tout ça. Et j'en avais la ferme conviction. J'avais une année à valider, un avenir à m'assurer et une famille à soulager.



Droit vers la réussite sans digression.



C'était avec cet objectif bien précis en tête que je repris mes devoirs, et que j'arrivais enfin à les terminer sans le moindre souci.



Avec la dizaine de minutes qu'il me restait, je décidai de m'exercer en physique. Autant profiter des manuels à disposition tant que j'étais là. J'étais au beau milieu de planètes qui s'attiraient par interaction gravitationnelle que je n'entendis pas les pas dans mon dos. Avant que je ne comprenne ce qui se passait, des bras entourèrent mon cou et des mèches sombres vinrent chatouiller mon visage.



— Alors toi, je crois que t'as un sacré problème avec l'école.



Raide, j'attendais que Selena bouge pour pouvoir parler.



— Tu sais, je t'ai cherché dans tout le lycée pour qu'on joue mais t'étais introuvable. Tu m'évites ?



— N- Non, articulai-je.



Je posai ma main sur son avant-bras pour qu'elle le retire, mais elle ne fit que raffermir sa prise. Sa poitrine collée à mon dos, je la sentais monter et s'abaisser au rythme de sa respiration.



LES ENNUIS DE SELENAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant