Prologue

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1870, avant unification des îles, Comores.

Le sultanat comorien est divisé entre les quatre îles. Afin d'obtenir une éducation de type européenne, les jeunes héritiers quittent leurs îles natales et se rendent à Maore (Mayotte) où réside le gouvernement français.

L'air était humide et un vent léger soufflait sur le port de Moroni. Une foule impressionnante embrassait le coin d'arrivée des bateaux.

Les regroupements de plusieurs centaines de personne était courant aux Comores, surtout durant les périodes de mariage. Mais ce jour-là, il y'avait plus de gens qu'à l'accoutumée. Plus les minutes passaient plus la foule s'agrandissait. Certains nobles et sultans d'autres régions, conduits par des pirogues particulièrement belles, se joignirent également à eux.

Du rebord de ce qui semblait être le chemin principal à la mosquée du vendredi, récemment construite par les fidèles, les gens se bousculaient pour mieux voir au loin. Certains montaient sur le toit des maisons pour apercevoir le large de la mer d'un bleu scintillant. Les femmes remettaient en place leur lesso (foulard) pour éviter qu'ils ne leur obstruent la vue du spectacle.

Finalement après quelques minutes d'attente voire plusieurs heures pour certains, un jeune garçon finit par crier :

Tsiyo (voilà) ils sont là !

L'attention se porta non pas au large de la mer comme précédemment, mais sur le chemin principal où avançaient quatre personnes remarquablement bien vêtues, entourée d'une douzaine de militaire armés. A l'avant, Le Sultan Salim II de Bambao (région à la Grande Comore) avançait couvert par un parasol, tenu par l'un de ses hommes. Sa tête était ornée de son traditionnel turban impeccablement noué, son Kandzou (longue robe) d'un blanc éclatant et son Djouba (kimono traditionnel comorien) aux bordures dorées. Il était accompagné de sa femme Echata Mfaumé (reine) qui était l'image même de l'élégance des reines swahili, et de leurs deux enfants, Hachim et Halima, dont le visage respiraient la splendeur et la royauté.

Ils s'avancèrent au plus proche de la mer, les militaires faisant barrage entre eux et les centaines de spectateurs. Ils le savaient, ils étaient la raison pour laquelle le peuple de Ngazidja (Grande Comores) s'était donné rendez-vous aujourd'hui.

L'annonce du départ du fils aîné du Sultan de Bambao chez les mzungu (français) s'était propagé aussi vite qu'un virus sur la plus vaste île des Comores.

Hachim restait de marbre même si toute l'attention était portée sur lui. Du haut de ses quatorze ans, il semblait déjà avoir hérité du sang froid de son père. Bien que d'apparence il était serein, ses proches pouvaient remarquer la grande quantité de sueur qui perlaient sur son front et à quel point ses mains étaient moites. Jamais il n'avait ressenti cela, hormis le jour où son grand-père avait tenu à ce qu'il affronte un taureau pour démontrer qu'il était digne d'être l'héritier du trône. Il tentait de contrôler sa respiration en vain, son cœur battait si vite qu'il crut qu'il allait finir par sortir de sa poitrine.

La benjamine de la famille quant à elle avait beaucoup plus de mal à cacher son désarroi. Halima ne mangeait plus depuis plusieurs semaines, son corps de petite fille était si frêle qu'elle semblait pouvoir se briser à tout moment. Le départ de son grand frère l'anéantissait et elle peinait à retenir les larmes qui s'écoulaient sur son visage pâle.

Tsiyo, Tsiyo ! S'écrièrent à nouveaux des voix

Les regards se portèrent sur le navire imposant qui rejoignait le port. Des exclamations se firent entendre lorsqu'ils virent la vapeur sortir d'un des canaux de l'embarcation. Ce n'était pas coutumier sur les îles de la lune qui étaient habitués aux bateaux plus traditionnels tels que les pirogues ou les zanzibarites.

UfaouméOù les histoires vivent. Découvrez maintenant