Trois semaines s'étaient écoulées depuis le dernier voyage du Sultan de Bambao. Tous étaient habitués à ces absences récurrentes, car Salim était souvent amené à voyager pour gérer les affaires de Ngazidja et les négociations avec les îles voisines. Ce matin-là, l'annonce de son retour avait réveillé l'agitation dans le grand palais.
Halima s'affairait dans le jardin familial, sa chevelure noire et frisé scintillant sous le soleil aveuglant qui approchait son zénith. Elle cueillait des fleurs pour sa mère, savourant ces moments de tranquillité qui était l'un de ses privilèges de moinazdakani. C'est à ce moment précis que sa mère, le visage empreint d'une gravité encore plus marquée qu'à l'accoutumé, l'appela depuis la véranda.
- Halima, viens ici, s'il te plaît.
Intriguée, Halima rejoignit ses parents qui l'attendaient dans le salon. Son père, assit dans son fauteuil en bois sculpté, lui fit signe de s'approcher. Sa mère, debout à ses côtés, ne laissait rien transparaître sur son visage.
Quand elle fut face à son père, elle joint ses mains et les lui donna, il lui récita des bénédictions en comorien. Halima l'observa un instant, il semblait soudainement vieilli par les épreuves et les responsabilités de son règne. Son visage, éclairé par la lumière crue du soleil de midi, révélait des rides profondes, sa peau marron claire avait prise une teinte étrangement pâle, presque cireuse. Ses yeux, autrefois brillants et déterminés, étaient maintenant ternes, bordés de cernes sombres qui témoignaient de la fatigue accumulée.
- Halima, commença son père, la voix douce mais ferme, j'ai apporté une nouvelle.
Elle sentit une légère appréhension monter en elle, se demandant ce qui pouvait être si crucial.
- Dans quelques jours, poursuivit-il, la princesse Farida de Mwali séjournera chez nous. C'est un grand honneur, mais aussi une immense responsabilité
Halima écarquilla les yeux. D'après les dires, la princesse de Mwali était renommée pour sa beauté et son courage. L'idée de l'accueillir chez eux semblait à la fois excitante et intimidante.
- Nous comptons sur toi pour l'accueillir dignement, ajouta son père. Tu devras veiller à ce qu'elle ne manque de rien et à ce qu'elle se sente chez elle.
- Bien sûr, père, mère, répondit Halima, tentant de dissimuler son anxiété derrière un sourire respectueux. Je ferais de mon mieux pour honorer cette tâche.
Alors que Halima retournait à ses occupations, elle ne pouvait s'empêcher de réfléchir aux implications de cette visite. Accueillir une princesse était une tâche colossale, surtout pour elle qui n'avait jamais eu d'amie de son âge. C'était aussi une chance unique de faire une rencontre et d'en apprendre plus sur la vie de cette île qui selon les dires de Madi était magnifiques.
Elle se désola de ne pas pouvoir apprendre la nouvelle à son messager qui se réjouirait certainement de l'apprendre, et lui prodiguerait sûrement quelques conseils sur la façon d'aborder la princesse de l'île voisine. Madi avait disparu depuis quelques jours, Halima s'était tout de suite inquiétée pour lui et se rappela sa mère qui était dans un état critique. Quelques jours plus tard elle fut attristée de voir ses doutes confirmés quand on lui rapporta des nouvelles selon lesquelles il passait toutes ses journées au chevet de sa mère car elle semblait sur le point de s'éteindre.
Elle se sentit tellement impuissante et imagina la peine immense dans lequel devait se trouver son jeune ami. Elle cueillait le girofe et toutes les plantes médicinales qu'elle pouvait trouver dans son jardin puis les confiait à Loulou qui se chargeait de le lui donner quand elle se rendait au marché où quand elle rentrait dans sa petite case qui ne se situait pas loin de celle de Madi.
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Ufaoumé
Historical FictionSur l'archipel des Comores, les sultanats s'engagent dans une lutte de pouvoir sous l'influence française. Hachim, sultan ambitieux de Ngazidja et Achraf, sultan surdoué de Ndzuwani, voient leurs désaccords s'intensifier. Tout ceci est compliqué...