Tous les habitants avaient les yeux rivés sur la scène, leur yeux brillants d'une concentration intense. A l'arrière, Madi vérifia que personne ne le voyait, avant de laisser plusieurs femmes entièrement couvertes de Shiromani, entrer pour assister à la scène.
Les femmes avaient été conviés par le jeune homme, quelques temps avant, mais elles ignoraient que c'était une stratégie pour que la princesse Halima soit méconnaissable parmi elles. Elle avait absolument voulu assister aux festivités en l'honneur du retour de son frère; et n'aurait pu y parvenir sans la complicité de son ami.
Tous virent le Sultan de Bambao se lever avec prestance, et lever les bras vers son fils qui était accompagné de plusieurs dizaines de militaires. Lorsqu'il apparut devant le peuple, Il avança d'un pas déterminé le sourire aux lèvres. Sa stature imposante et élancée attira immédiatement les regards. Sa peau couleur café foncé était éclatante, accentuée par un regard aussi profond et intense que celui de sa mère qui lui donnaient un charme irrésistible.
Lorsqu'il fut arrivé à sa hauteur, il prit son père dans ses bras avec force, une grande émotion le prit à la gorge.
« Marhaba » lui souffla son père.
Il hocha la tête tout en évitant son regard, puis se dirigea alors vers les autres Sultan et leur serra la main un par un. Pour les plus âgés, il accentua le « Kwezi » qui était signe de respect aux Comores.
Une fois que Hachim finit de saluer l'assemblée. Des discours furent prononcés par les aînés et les chefs de la communauté, exprimant des vœux de bonheur, de prospérité et de santé pour honorer le retour de l'héritier du Sultan de Bambao. Les bénédictions furent données, et des prières récitées pour assurer la protection et la réussite du pays.
Le dernier des discours fut prononcé par le Cheikh Abderahmane qui était réputé dans toutes les îles comme étant un grand savant ayant étudié dans plusieurs pays d'Afrique de l'Est. Il était l'enseignant favori des Sultan mais aussi un fidèle conseiller de la royauté. Il avait été convié spécialement par l'occasion par le Sultan de Bambao. Sa voix, riche et mélodieuse résonna avec une force et une clarté qui captiva son auditoire, rendant chaque parole mémorable. Il poursuivit avec des invocations et chaque fin de phrase furent ponctué des « Amine » de toute l'assemblée
Et puis de sa voix mélodieuse il commença un chant en Shingazidja (comorien de la Grande Comore). Les Sultans sortirent leur sabre ou upanga et se positionnèrent les uns derrière les autres. A l'avant, se tenait Salim précédé de son fils qui avait également dégainé son sabre élégant décorées de motifs traditionnels, offert par son père avant son départ.
Au rythme des tambourins et des chants, la danse du sabre (tari la meza) fut exécutée par tous les hommes de l'assemblée avec grâce et énergie. Les jeunes et les vieux s'y joignirent, célébrant leur culture et leurs traditions avec fierté.
Halima regardait la scène les yeux humides, elle s'était avancée le plus proche possible ignorant les conseils de Madi qui lui avait dit de rester à l'arrière. Elle voulait voir au mieux cette scène qui restera à tout jamais gravé dans sa mémoire. Le bonheur qui se lisait sur le visage de son frère, la fierté sur celui de son père, l'unité des sultans et des notables en ce jour important. Elle se demanda si Achraf était aussi heureux de retrouver les siens, et à ce moment même elle croisa le regard de son frère qui passait en dansant derrière son père. A son sourire moqueur, elle sut pertinemment qu'il l'avait reconnu.
Même s'il ne vit que ses yeux en amande cela lui avait grandement suffit , elle lui adressa un clin d'œil et celui-ci le lui rendit, avant de se retourner en faignant de n'avoir rien vu. En portant son regards sur les sultans qui le suivait, elle s'aperçut qu'il avait malgré tout attiré l'attention sur elle. Le jeune Sultan de Hambu, le visage toujours aussi impassible, avait les yeux braqués de son côté.
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Ufaoumé
Historical FictionSur l'archipel des Comores, les sultanats s'engagent dans une lutte de pouvoir sous l'influence française. Hachim, sultan ambitieux de Ngazidja et Achraf, sultan surdoué de Ndzuwani, voient leurs désaccords s'intensifier. Tout ceci est compliqué...