Le temps finit par rattraper Madi le jeune messager, il se rendit compte qu'il était maintenant très en retard. Avant de se lancer à nouveau dans une course contre la montre, il fouilla dans ses poches pleines d'objets divers, y prit quelques francs qu'il déposa dans les mains du mdjufuwa qui était encore conscient. Celui-ci le remercia avec un air absent, puis continua de marmonner des paroles de chanson en s'éloignant .
L'adolescent traversa tout le quartier de Mtsangani puis de Msihani, et arriva enfin à Badjanani où se trouvait le palais du Sultan de Bambao. La demeure était majestueuse, les murs étaient épais et robustes. L'entrée principale du palais était ornée d'un grand portail en bois sculpté, et deux gardes armées y surveillaient le passage. Les deux gardiens se tournèrent vers lui :
- Kooopi (exclamation) Madi, tu as parcouru toute l'île à pied ou quoi ? dit l'un des deux en riant.
- Hé, s'exclama-t-il de sa voix légèrement aigue. Le jour où votre travail ne se résumera plus à rester poster là comme deux cocotier, vous pourrez venir me parler. Vous décorez le mur, moi je travaille. Aller bo plantes vertes, ouvrez la porte. Je suis pressé.
Les deux gardes se regardèrent sans aucune surprise, ils n'en attendaient pas moins du jeune Madi, qui n'avait pas sa langue dans sa poche. Ils lui ouvrirent le portail en le taquinant et il entra dans la majestueuse demeure, après les avoir tchipé avec force. Une fois que le grand portail se ferma derrière lui, il s'arrêta et regarda autour de lui.
Le jardin était grandiose, bâti par les prédécesseurs du sultan Salim II et influencé par le modèle swahili. Il avait été méticuleusement réfléchi pour permettre au Sultan de se détendre lors de ses moments de pauses. Le sol était entièrement recouvert de mosaïque aux formes géométriques qui rappelaient les jardins arabes. Autour de la grande allée, il y'avait de la verdure et des plantes venues de tout l'océan Indien, ainsi que de l'Afrique, qui ajoutait une touche colorée. L'odeur exquise du jasmin et de l'Ylang Ylang embaumait le jardin. Ils cultivaient également de la cannelle ou de la citronnelle que la cuisinière allait souvent cueillir pour leur préparer des repas. L'espace était partiellement couvert par des cocotiers, des bananiers ainsi que des manguiers qui les nourrissait également surtout durant la mousson australe.
Il remarqua immédiatement la reine Echata assise confortablement sur son balcon. Elle était grande et fine, vêtue d'une robe et d'un lesso (châle) brillant qui entourait ses épaules. Quelques bijoux en or mettait en valeur ses bras et son cou. Son visage dépaginait toujours cet air froid et sérieux. Madi s'attendait à ce qu'elle l'ignore, mais bizarrement elle le vit, et lui fit signe de s'approcher. Il s'exécuta rapidement. Quand il fut arriver à son niveau, il enleva son kofia (bonnet) , inclina son crane presque chauve avant de déposer les livres devant la reine des lieux :
- Kwezi Mfaumé, dit il d'une voix claire. J'ai parcouru toutes les bibliothèques pour ses livres dont Halima m'a parlé, j'espère qu'ils lui seront utiles.
- C'est une bonne chose, répondit elle en braquant sur lui ses yeux de lynx. J'ai entendu dire que, grâce à nous, tu as la chance de voyager à travers les îles.
- Oh oui et même au-delà, j'ai eu la chance d'aller jusqu'à Zanzibar. Il faut que je raconte à Halima à quel point c'est beau et si grand et à quel point les gens y sont bons.
- Très bien, dit elle en se servant du café chaud.
Madi observa un instant ses mains fines et distingués ornée de bracelet, ses ongles parfaitement taillés et mises en valeur par du henné couleur vermeille. C'est donc de là que venait l'expression « belle jusqu'au bout des ongles »
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Ufaoumé
Historical FictionSur l'archipel des Comores, les sultanats s'engagent dans une lutte de pouvoir sous l'influence française. Hachim, sultan ambitieux de Ngazidja et Achraf, sultan surdoué de Ndzuwani, voient leurs désaccords s'intensifier. Tout ceci est compliqué...