Chapitre 1 - Les Ombres du pouvoir (1)

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Halima était une rêveuse.

C'est ce que tout le monde disait et bien qu'elle n'appréciait pas qu'on la qualifie ainsi, elle se surprenait elle-même à avoir l'esprit qui vagabondait ailleurs.

« Je ne rêve pas, je réfléchis sur le monde » disait-elle. Déjà trois années s'étaient déjà écoulés depuis le départ des héritiers comoriens,  et plus la jeune princesse grandissait, plus son esprit devenait brillant. Ses yeux en amande, toujours animés d'une curiosité insatiable, étaient devenue le reflet de son âme avide de connaissances et de mondes lointains.

Bien qu'elle soit confinée dans les murs épais de son palais en raison de son statut de "moinazdakani" – une femme de rang noble qui ne peut sortir librement. Elle avait trouvé refuge auprès des livres qui tapissaient les murs de sa chambre. Les livres étaient ses meilleurs alliés, et lui permettaient d'étendre sa connaissance au-delà même de l'archipel des Comores. Elle y passait des journées entières et notait tous ce qui lui semblait intéressant.

Grâce à ses lectures, elle maniait le français avec la finesse d'un poète, composait des poèmes et des récits en comorien, et explorait les textes classiques en arabe avec une compréhension profonde et nuancée. Son professeur, le Foundi Abderemane qui avait acquis une vaste éducation dans divers pays du Moyen-Orient et à Zanzibar, s'étonnait toujours de voir à quel point elle apprenait vite. La curiosité de son élève le poussait toujours à aller toujours plus loin dans ses propres réflexion. 

Elle était surnommé la Mstaarabu (comme les arabes), qui signifiait qu'elle était cultivée, tout en insistant sur sa lignée descendant des commerçants arabes qui avaient rejoint le pays il y'a plusieurs siècles.  Ceux-ci s'étaient auto-proclamé savant et ainsi, la descendance des arabes avaient formé la noblesse du pays. Dans l'esprit collectif, ces marchands du Moyen Orient seraient la source de toutes les connaissances aux Comores. De ce fait, la plupart des notables vantaient avec orgueil leur appartenance au Moyen Orient. 

Halima était elle même fière de ce métissage, elle qui rêvait si souvent de paysages lointains et de grandes aventures qu'elle vivait intensément dans son esprit fertile. Elle lisait aux propos de ces pays arabes où les connaissances étaient innombrables. Elle s'imaginait des décors façonnés par les histoires qu'on lui racontait. Bien qu'elle ne pouvait qu'imaginer tout ces endroits, elle savait qu'un jour viendra où elle sera libre de s'y rendre également. Un jour il la délivrerait. Ce rêve secret qu'elle nourrissait chaque jour, était une lueur d'espoir ,qui illuminait ses journées confinées. Elle savait qu'un jour, son destin finirait par être lié à l'homme qu'elle aimait depuis sa plus tendre enfance : le Sultan Achraf bin Said Soilihi.

Souvent son esprit vagabondait jusqu'à lui, elle se demandait quelles étaient ses activités ? Se plaisait-il sur cette île voisine ? S'intégrait-il bien avec les Français ? Il était son compagnon de pensée et les rares lettre qu'elle recevait de lui étaient un trésor précieux. Elles étaient remplies de récits de ses découvertes et de descriptions vivantes des paysages de Maore. Seulement, il ne parlait presque jamais de ses ressenties. Lui manquait elle ? Pensait-il à elle autant qu'elle pensait à lui ? Pourquoi les hommes devaient-ils être toujours aussi froid et aussi peu expressif sur leurs émotions ?

Dans ses moments de rêverie, Halima imaginait le jour où Achraf reviendra. Elle se voyait vêtue de sa plus belle robe en tissus traditionnels. Les murs qui l'ont si longtemps retenue lui sembleraient soudain plus larges, presque accueillants, alors qu'elle attendrait l'arrivée de son Sultan. Elle s'imaginait en train de marcher à ses côtés, enfin libre de parcourir les ruelles animées et les marchés colorés de Moroni. Elle imaginait l'acheminement en bateau jusqu'à Ndzuwani, quand elle sentirait et entendrait le murmure des vagues.

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