Chapitre 1 :

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  Il est presque 20 heures. La lumière de la lampe de bureau projette des ombres vacillantes sur les murs de la chambre de Marie, créant une ambiance à la fois intime et mélancolique. Les feuilles éparses de ses manuels sont en désordre sur le bureau, et les yeux fatigués de Marie peinent à se concentrer sur les pages. La rentrée en 3e approche à grands pas. C'est demain et l'angoisse qu'elle ressent la paralyse presque, rendant la concentration sur ses études particulièrement difficile. Après une année de 4e particulièrement éprouvante, la perspective d’une nouvelle année la terrifie.

Frustrée, Marie se lève et attrape son sac à dos. Ses mains tremblent légèrement en rangeant cahiers et stylos, vérifiant trois fois la liste des fournitures. Tout doit être parfait, comme si cela pouvait apaiser le chaos qui gronde en elle.

Après avoir soigneusement préparé son sac, Marie reste immobile quelques secondes. Le silence de la maison lui pèse. Pas de voix familières, juste le bourdonnement lointain du réfrigérateur et quelques craquements du parquet sous ses pieds. Ce silence n’a rien de paisible, il est chargé de l’absence de ses parents, une absence à laquelle elle s'est habituée, mais qui la laisse toujours un peu plus seule. Ses pensées dérivent vers les soirées où sa mère rentrait tard, son père déjà absorbé par des dossiers de travail, laissant Marie avec la seule compagnie des ombres sur les murs de sa chambre. La solitude a fini par devenir une compagne familière, mais jamais vraiment réconfortante. Peut-être que c’est ça, être parent : être tellement absorbé par ses propres obligations qu’on en oublie d’être vraiment présent pour ses enfants. Elle soupire, se demandant si c’est le quotidien de d'autres parents de se laisser engloutir par leurs responsabilités, laissant leurs enfants se débrouiller seuls. Seul son père, souvent trop accaparé par son travail, essayait de prendre soin d'eux, mais cette fois-ci, il avait été rattrapé par ses obligations professionnelles.

Pour oublier son stress, elle décide de se rendre dans la chambre d’Amélia. Sa petite sœur, véritable rayon de soleil dans sa vie, est assise sur le lit, concentrée sur son dessin. Marie entre dans la pièce, essayant de sourire malgré sa fatigue.

- Coucou, Amélia, tu as besoin d'aide avec ton dessin ?

Amélia lève les yeux avec un grand sourire.

- Oui, s'il te plaît ! J’essaie de dessiner un grand arc-en-ciel, mais je n’arrive pas à choisir les bonnes couleurs.

Marie s’assoit à côté d’elle, observant les crayons éparpillés autour d’Amélia. En choisissant les couleurs et en discutant des teintes avec sa sœur, elle trouve un réconfort inattendu. Les gestes simples de partager ce moment, de choisir ensemble les nuances et de discuter des différents aspects du dessin, lui apportent une sérénité inattendue.

- Alors, tu es prête pour ton grand jour demain ? Le CP, c’est quand même quelque chose !

- Oh oui, j’ai trop hâte ! J’ai pas vu mes copines depuis des semaines, on a tellement de trucs à se raconter !" s'exclame Amélia, les yeux pétillants. Tu crois qu’on va déjà apprendre à lire des histoires ? Et si on écrivait des phrases en attaché ?

Elle rayonne d'enthousiasme, un sourire éclatant illuminant son visage. Pour elle, l'école est encore une aventure excitante, pleine de promesses. Marie, en la regardant, sent une bouffée de tendresse et de nostalgie. Ah, l’innocence de l’enfance… Si seulement elle pouvait retrouver ce même enthousiasme pour sa propre rentrée.

Le sourire éclatant d’Amélia est contagieux. Marie sourit en retour, mais le contraste avec ses propres préoccupations est flagrant. À l’aube de ses 14 ans, Marie se trouve dans une situation beaucoup plus complexe. Elle n'a pas vraiment d'amies en ce moment. Elle a décidé de changer de fréquentations en fin d'année de 4e, et le vide laissé par le départ d'une amie précieuse est immense.

- Je suis contente que tu sois si enthousiaste pour le CP. Moi, j’avoue que je suis un peu stressée pour demain. Je n’ai pas vraiment d’amis ici, et tout me semble plus difficile cette année.

Amélia regarde sa sœur avec une expression préoccupée.

- Ne t’inquiète pas. Tu es toujours super à l’école. Papa m’a dit qu’on allait manger des sushis ce soir, et je suis sûre que ça va te remonter le moral !

Marie sourit en entendant les paroles réconfortantes de sa sœur. Cette simple discussion, bien que légère, lui apporte un soutien inattendu. Elles continuent de dessiner et de discuter, le temps passant plus vite qu’elle ne l’aurait imaginé. Amélia raconte des anecdotes de ses vacances, faisant sourire Marie malgré elle.

Après avoir aidé sa sœur à se préparer pour la nuit, Marie retourne dans sa chambre. Elle prend son téléphone pour envoyer un message à Julia, sa meilleure amie, pour partager ses inquiétudes.

" Salut Julia, je suis vraiment stressée pour la rentrée demain. Madame Jasmin a changé d’établissement, et je ne sais pas comment je vais gérer sans elle. Et puis, je n'ai pas trop d’amies ici, j’ai tellement peur de me sentir perdue."

Elle hésite avant d’appuyer sur "envoyer". Le décalage horaire pourrait retarder la réponse, mais le simple fait de partager ses sentiments lui apporte un soulagement.

En attendant une réponse, elle décide de se préparer pour dormir. Le silence de la maison est presque oppressant. Assise sur le bord de son lit, elle observe la pièce plongée dans l’obscurité, à peine éclairée par la lueur douce de la lampe de chevet. La vue nocturne à travers la fenêtre, les étoiles scintillantes dans le ciel, lui apporte un peu de calme. Le téléphone vibre à nouveau. C’est une notification de deux youtubeurs qu'elle apprécie, qui publient une nouvelle vidéo de jeux vidéo. Parfois, ces vidéos sont un échappatoire, et elle espère que cela l’aidera à oublier son stress.

Après avoir regardé la vidéo, Marie se retrouve encore seule avec ses pensées. Les souvenirs de l’année précédente refont surface. Les difficultés scolaires, les enseignants démoralisants, les mauvaises fréquentations, et les tensions familiales. Les moments où elle a essayé de faire face à la douleur à travers des plaisirs éphémères sont des rappels lourds, mais aussi des témoins de sa résilience. Elle se remémore des instants de solitude. Mais aussi les moments de tendresse avec la personne qui lui avait fait aimer aller à l'école et apprendre et qui l'avait en quelque sorte aidée.

Elle se glisse sous ses couvertures et ferme les yeux, laissant les pensées de l’année passée la submerger. Mais elle se souvient aussi des petites victoires personnelles qui l’ont aidée à avancer. Ces réflexions lui rappellent combien elle a lutté et combien elle est déterminée à continuer malgré les défis.

Sur le point de dormir, un flashback se dessine dans son esprit. Elle se revoit en 4e, confrontée à des enseignants démoralisants qui lui disaient d’abandonner, entourée de mauvaises fréquentations qui l’entraînaient vers des choix dangereux. Les disputes incessantes à la maison, les moments où elle se retrouvait seule, se débrouillant pour cacher ses blessures, les cicatrices à peine guéries. Ces souvenirs, bien que douloureux, illustrent son quotidien de l'année passée.

Le soutien de sa sœur, ses paroles réconfortantes ainsi que ses propres prières sont ses phares dans la nuit. La perspective d’une nouvelle année est chargée d’incertitudes, mais elle garde l’espoir que cette fois, les choses seront différentes.

Marie murmure encore une fois avant de s’endormir, sa voix à peine audible :

- Je veux juste ne pas revivre ça.

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