Black Swann .Taekook. BTS

.

II. 𓆩Jungkook𓆪,

    L'atmosphère dans la pièce devient lourde, presque suffocante, après ce que je viens de dire. C'est un silence que je connais bien, celui qui s'installe après une nouvelle dévastatrice. Un silence où les mots n'ont plus de place, où seuls les regards et les respirations contrôlées traduisent l'ampleur de la douleur.

   Je jette un coup d'œil à la sœur de Taehyung. Mina, je crois. Elle était paniquée pour son frère, il y a quelques heures. Une réaction que je connais bien aussi.
Mais là, ses yeux, qui brillaient d'espoir quelques instants plus tôt, se sont voilés de tristesse. Elle serre les poings sur ses genoux, comme si elle pouvait contenir sa propre souffrance en la tenant fermement. Son regard reste fixé sur son frère, incapable de détourner les yeux de lui.
L'entraîneur, John, a le visage fermé. Une sorte de colère froide se lit sur ses traits, mélangée à de la déception, mais pas envers Taehyung. Je le vois souvent chez les coachs, cette frustration face à l'impuissance. Ils s'en veulent de ne pas avoir pu protéger leur athlète, de ne pas avoir pu empêcher ce qui s'est produit. Je sais qu'il cherchera des solutions, qu'il tentera de trouver une issue, même si je viens de lui dire que c'est inutile.
Mais c'est Taehyung qui me retient. Son visage... Je l'ai vu se décomposer sous mes yeux.

   J'en ai déjà vu, des visages se décomposer. À l'annonce d'un décès, d'un handicap, d'une complication sévère. Ça fait partie de mon métier, annoncer l'inacceptable. Mais jamais, jamais je n'ai vu quelqu'un aussi... détruit.
Pourtant, je ne venais pas de lui dire qu'il allait mourir. Ni qu'il allait perdre l'usage de ses membres, ou qu'il était victime d'une complication critique. Non, je venais de lui annoncer qu'il ne pourrait plus jamais remonter sur la glace.
Je tente de trouver des mots pour atténuer le choc.

-Taehyung, vous avez encore un long chemin devant vous. La rééducation, la récupération... Ce ne sera pas facile, mais vous n'êtes pas seul. On va tout faire pour que vous retrouviez une vie normale.

Mais je sais, en voyant son expression vide, que mes paroles n'atteignent pas leur cible. Elles rebondissent contre un mur de douleur et de désespoir.
Je suis habitué à ce genre de réactions, à cette incapacité des patients à accepter immédiatement la réalité. Pourtant, chaque fois, c'est comme si un poids supplémentaire s'ajoutait à ma conscience. Je sais que je dois les laisser digérer tout cela, leur donner le temps de comprendre, d'assimiler. Alors, je me redresse légèrement et annonce.

- Nous en discuterons plus en détail demain, à tête reposée. Je vais vous laisser dîner tranquillement. J'éteins l'écran. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas à appeler. Mark ici présent sera présent tout la nuit, pour le moindre problème. J'explique.

Je me détourne de Taehyung, de son regard perdu, de son visage livide, et je quitte la pièce, suivit de Mark et de notre radiologue. Une fois la porte refermée derrière moi, je pousse un long soupir. Le couloir de la clinique est silencieux, presque oppressant après ce moment passé dans la chambre.

- Ça va Jungkook? Demande Mark en me regardant.
- Ouais, ça va. Longue journée, c'est tout. Je répond en éteignant la tablette. Je vous laisse la suite. Je vais dans mon bureau. N'hésitez pas si besoin.

Je me dirige vers mon bureau, l'esprit alourdi.
Encore une journée éprouvante.
Une fois assit au fond de mon fauteuil, je retire mes lunettes et me frotte les yeux. Le souvenir du visage de Taehyung me hante. Cette expression de pure dévastation, de quelqu'un qui vient de perdre tout ce qui donnait un sens à sa vie.

   Je m'assois dans mon fauteuil, épuisé, et repense à ce que je viens de faire. Une vie de sportif, une carrière, réduite à néant en quelques phrases. Et même si je sais que c'était mon devoir, une part de moi ne peut s'empêcher de ressentir de la pitié. Ce n'est pas juste.
Mais pourquoi cela me touche-t-il autant ? Je ne le connais même pas.
Je n'y connais rien en patinage artistique, à vrai dire. Son coach m'a appelé directement, presque supplié de prendre en charge son protégé. Et après tout, je suis médecin du sport, c'est mon rôle.
Et je suis curieux.