6 juin 2024.
04h00.Cela fait désormais une semaine que ma mère est morte. Ses funérailles se sont déroulées directement le lendemain, nous n'avons pas perdu plus de temps pour ça.
J'ai dû courir à droite à gauche pour déclarer l'acte de décès et organiser son enterrement. Globalement, ça s'est bien passé, il n'y avait pas beaucoup de monde, c'était en comité restreint, comme j'aime, et comme elle aurait aimé aussi. J'aurais pu demander à Mathieu de m'accompagner, mais elle ne le connaissait pas, et aujourd'hui, je ne sais pas si j'aurais aimé qu'elle fasse sa rencontre ou pas.
Le moment le plus douloureux, ça a été d'avoir vu son cercueil se fermer à jamais, après avoir touché et son corps froid et frêle. C'en est presque traumatisant au fond.
À présent, je dois apprendre à vivre une vie sans mère, sans pilier. Anis aussi, il a seulement 17 ans après tout, et je le plains plus que ma situation.
Mon père doit vivre sans femme après 19 ans d'amour. C'est un nouveau départ pour tous le monde.Je reste enfermée chez moi, ne répondant plus aux plusieurs appels et messages de mes proches, dont ceux de Mathieu. J'ai seulement parlé avec Esme qui m'a expliqué qu'elle avait passé la soirée avec Ormaz ce jour-là, et qu'ils avaient fait leurs affaires, que c'est pour ça qu'elle n'avait pas pu prendre mes appels et qu'elle s'en voulait plus que tout au monde.
Je lui ai dit que ce n'était pas si grave, que ça allait, et elle a accepté que je ne veuilles pas avoir d'interaction sociale pour le moment.
Mes trois semaines de congés ne seront consacrées qu'à ça: ne rien faire, me contenter simplement d'exister dans la peine. C'est mon âme qui se déchire en mille, que dis-je, en une infinité de morceaux éparpillés dans mon corps tout entier, que je ressens chacun de ces bouts fracassés, balafrés, en moi. Ils sont lourds tels des métaux, des roches tombant dans un puits sans fond. Je suis seule avec mes sentiments erronés.
Et Mathieu, il ne m'a rien renvoyé. Il me manque. Je ne veux que lui, je ne veux parler qu'à lui. Je veux qu'il me prenne dans ses bras, qu'il m'enlace, me protège, me rassure, me réconforte... J'ai l'impression de n'avoir besoin que de lui en ce moment même, et c'est ça qui fait le plus mal.
J'ai passé des jours à le fuir, à tout faire pour ne pas le croiser, et voilà que mes seules envies le concernent. Qu'est-ce qu'il se passe dans ma tête franchement...
Sans réellement y réfléchir, je lui ai envoyé un message. Est-ce qu'il répondra? Je n'en ai aucune idée.
"je sais que j't'ai pas calculé en sortant d'la chambre 140, mais est-ce que tu veux bien qu'on se voit?"
J'ai dorénavant trouvé une raison de vivre; attendre sa réponse.
Clopes sur la table, j'en ai chopé une avant de me diriger vers mon balcon pour l'allumer et fumer. Il fait relativement bon, c'est une soirée fraîche mais agréable à la fois. Le froid ne me fait pas piquer du nez pour l'instant.
Est-ce qu'il va me répondre? Il n'a aucune raison de le faire avec tous mes caprices depuis le début. Je lui parle, puis je l'ignore, puis je lui reparle. Je ne sais même pas comment il tolère tout ça. Dans le sens inverse, je n'aurais pas perdu plus de temps avec quelqu'un qui se comporte de la même manière que moi je le fais.
Est-ce que je peux y changer quelque chose? Je ne sais pas. Est-ce que je vais y changer quelque chose? Non, probablement pas. C'est comme ça que j'ai toujours fonctionné. D'ailleurs, c'est peut-être pour ça que Sabri m'a mise dehors, avec mes affaires éparpillées sur le paillasson.
Parfois, ça m'arrive d'y repenser, et de me noyer dans la peine et les regrets. De couler dans le fin fond des abysses où l'obscurité y demeure sans payer de loyer. Ces abysses si bas dans la terre qu'elles provoquent une pression aux oreilles capable de faire éclater les tympans des plus tenaces. Et à ce moment-là, les bouchons d'oreilles ne suffisent plus à couvrir ce mal.
Je crois avoir touché le fil de la cigarette à ce stade.
Alors, quitte à être finie, autant l'être jusqu'au bout.
Téléphone en main, appel entrant, "Mathieu".
Les sonneries retentissent, il ne répond pas.
Je rappelle, encore. Une fois, deux fois, trois, cinq, dix fois.
"Rappelle-moi Mathieu."
"Je veux qu'on s'explique, j'ai besoin de toi."
"Mathieu, s'il te plaît."
"C'est un jeu pour toi? Je sais que tu reçois mes appels, que tu les vois."
"Putain, qu'est-ce que tu fous?"Je craque complètement, m'effondrant à terre. Assise, la tête sur les genoux repliés. Je ne pleure pas, pour une fois, ça ne veut pas sortir. Je me contente juste de porter le poids de la souffrance sur mes épaules et dans mon cœur comme la chose la plus lourde du monde.
Mon cellulaire vibre.
Une notification.
"Mathieu"
"J'rentre dans un p'tit jeu t'envoies j'envoie rien"
Alors jusque là, il croit toujours que c'est une blague? Ou bien il essaie simplement de me faire comprendre que mon mal-être ne le concerne et ne le préoccupe en fait que très peu?
Je n'ai plus de force pour quoi que ce soit. Ni pour lui répondre, ni pour l'appeler. Et ça me fait mal. Mal de savoir que mes émotions prennent le dessus sur mes actes et qu'elles emportent avec elles le semblant de dignité que je possède.
Et toute la soirée, je l'ai passée à faire des choses débiles comme fumer, faire des stories visées comme si j'avais quatorze ans et déprimer comme si je venais de perdre l'homme de ma vie.
Soudainement je pense à ma mère, j'avais oublié le temps d'un instant qu'elle n'était plus de ce monde depuis désormais une bonne semaine. En plus de cette histoire avec Mathieu, ça m'a remis un coup violent comme un mur en pleine gueule.
J'ai fini par m'endormir sur mon balcon avec un plaid sur le corps et un coussin du salon, téléphone en main, attendant son appel.
Putain, quelle soirée de merde.
@labrisedemer
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𝗯𝗶𝗸𝗶𝗻𝗶 𝗯𝗼𝘁𝘁𝗼𝗺
Fanfiction"t'as craqué un soir, tu m'as relancé" deux âmes liées à tout jamais par cette simple journée où l'un d'eux s'est approché, a osé aborder de manière irréfléchie. ni elle, ni lui ne savent réellement ce qu'ils veulent. pourtant, qui se lasserait d'un...