Eillana Croford

Chapitre 8

Eillana souffre le martyre. Sa jambe levée lui tire le muscle. Mais elle ne risque pas de se plaindre : elle est en haut de la pyramide alors que d'autre supporte une douleur insoutenable tout en bas.

Béca Redo ne sifflera pas le début tant que tout le monde ne sera pas immobile et cela fait déjà trois minutes que les filles attendent, un sourire douloureux plaqué sur leurs figures de poupées.

- « Aline, souris, nom d'un chien ! »

La brune déforme sa bouche luisante avec difficulté. La coach donne le top départ et la chorégraphie commence. Les premières paroles arrivent et les piliers de la pyramide se détruisent. Eillana retombe dans le cercle de filles qui la réceptionnent. Les garçons font leur apparition et effectuent d'impressionnants flips avant et arrière. S'ensuivent les pas de danse de la première partie. Les pompons volent dans tous les sens, les danseuses de première ligne sautent en parfaite harmonie avec celles de la deuxième... il faut garder le rythme. Une jeune première année trébuche. Carissa la dégage d'un mouvement de bras rapide et la petite tombe.

- « STOP ! Arrêtez-tout. » soupire Béca. « Tu peux te mettre debout où j'appelle les pompiers ? »

- « Non, ça ira madame. » certifie la jeune cheerleader, les lèvres pincées.

- « C'est ce qui arrive quand on ne sait pas tenir ses jambes. »

Quelques personnes gloussent.

- « Carissa, vas t'asseoir. » lui ordonne Madame Redo.

- « Pardon ?! Mais... »

- « Sur le banc, dépêche-toi. »

- « Qui va faire mon rôle ? »

- « Eillana te remplace. »

Miss Owel's affiche un air profondément indigné. Elle se plie en marmonnant dans sa barbe.

Eillana se met au milieu du groupe. Ça lui fait bizarre d'être au centre ; tout d'un coup elle ressent la pression d'une capitaine d'équipe.

- « C'est reparti. »

Toujours souriante, les filles recommencent à danser. Être une cheerleader parait si facile pour les autres. Nombre de personnes critiquent le fait qu'il suffit de bouger les bras en montrant ses dents. Cela prouve que la plupart d'entre eux n'ont jamais fait un seul entrainement. Le sourire est souvent le truc le plus difficile à conserver lorsqu'on supporte le poids de cinq personnes.

Eillana souffle et retourne dans les gradins chercher son sac. Elle s'écroule sur les chaises en plastique en avalant de longues gorgées d'eau.

- « Ça ira pour aujourd'hui. A demain ! »

- « A demain. »

La jeune fille range ses affaires. Elle s'apprête à partir mais de petits applaudissements la retiennent.

- « Vous étiez superbes ! » la félicite Aurelle.

Elle la remercie timidement avant de poser un œil rapide sur son énorme sac à dos.

- « Qu'est-ce que tu transportes là-dedans ? »

- « Oh, c'est un projet d'art. Il prend un peu de place mais au moins j'aurais une bonne note. »

- « Fais-voir ! »

Eillana sort la grande feuille canson et dévoile la gigantesque peinture enroulée à l'intérieur.

Le tableau représente un champ de tulipe flou. Lorsqu'on s'en éloigne, on distingue clairement le visage finement découpé d'une nymphe aux yeux violets.