Eillana Croford

Chapitre 22

Il fait plus sombre à présent. Losvitch se douche, se change et se met en quête de la chambre quarante-trois. C'est là qu'Aurelle devrait être. En pyjama, à grignoter vite sans se douter une seule seconde de ce qui l'attend. Puisque personne n'est d'attaque pour un resto, il lui reste du temps pour mettre son plan à exécution.

- « Qui est là ? » demande quelqu'un depuis l'autre côté de la porte.

- « Losvitch. »

La poigné se tourne. Aurelle dégaine une mine faussement joyeuse, bien que de l'appréhension se lit derrière son far à paupière cendré.

- « Que me vaut l'honneur de cette visite ? »

- « J'en ai pas pour longtemps, on peut parler s'il te plait ? »

- « Bien sûr ! »

Il entre, Zayn est là aussi. Ces deux-là sont devenus inséparables mais le pauvre ne sait pas dans quoi il met les pieds...

Ils s'isolent dans sa chambre. Elle s'empresse de refermer derrière son dos.

- « Oui ? »

- « Tu aimes écrire ? » il demande innocemment en regardant le téléphone sur la table basse.

- « Non, enfin, ça dépend... Tu es juste venu pour savoir ça ? »

Losvitch se demande comment il a pu être aussi aveugle : cette gamine le déteste. C'est flagrant rien qu'à sa façon de s'adresser à lui.

- « Non, c'est juste que je remarque que tu es très amicale avec les membres du club de Vick. Et aussi je sais que tu adores les scandales, n'est-ce pas ? »

Elle se tend sans rien laisser paraitre.

- « Pourquoi ces questions ?! »

Losvitch la regarde droit dans les yeux. Il est en colère car il connait la suite.

- « Dis-moi absolument tout ce qui s'est passé avec Jackie. Pas la peine de nier je vous ai entendu tout à l'heure. »

Pour la première fois, elle est désarçonnée. Son expression enchantée fond comme neige au soleil. Son masque d'hypocrisie dégouline sur le sol laissant voir Aurelle. La vrai Aurelle. Pas la victime compatissante qui se cache derrière de fausses larmes.

- « Je gagne quoi en échange ? »

- « L'anonymat. »

Une ride se creuse sur son front.

- « C'est-à-dire ? »

- « C'est-à-dire que tu pourras retourner dans l'ombre tranquillement sans histoire et te barrer loin d'ici. Tout le monde pensera que tu as déménagé et si, un jour tu es obligée de revenir on t'accueillera à bras ouverts, pigé ? »

Elle panique, à court de souffle et de phrases. Quitter Notari après tout ce qu'elle a entrepris ? Jamais !

- « En gros, » il réexplique. « Raconte-moi toute la vérité et je ne dirais rien aux autres. Tu t'éloigneras du groupe, te feras de nouveaux potes... et il n'y aura pas de soucis. Je ne dirais rien à personne et tu iras t'excuser à Eillana de ton chef. » Il roule des yeux. « Elle t'aime beaucoup et ne fera rien pour te nuire. Mais, partons du principe que tu refuses, j'utiliserais les quelques fragments de l'histoire : je pourrais déformer ce que j'ai entendu. En pire. Je peux faire de toi une harceleuse, une folle (ce que tu es) ou une sale peste qui ne sait pas traiter ses amis correctement. »

- « Qu'est-ce qu'il te dit que... »

- « On va me croire ? » il complète. « A ton avis ? Que se passerait-il si le capitaine d'équipe, influent et venant d'une famille importante publie un truc dénigrant sur toi ? Même si ton amie ne le croit pas, le reste des élèves ne se poseront pas de questions. Voilà ce qui arrivera : retourner dans l'ombre te sera impossible et plus aucune école ne voudra d'une menteuse comme toi. Ta place dans la hiérarchie est aussi fragile que la moustiquaire. Tache de protéger ce qu'il te reste, non ? »