Eillana Croford

Chapitre 21

11h43

Le bon côté des choses lorsqu'on se réveille d'une nuit aussi perturbante que celle qu'Eillana a vécu, c'est que l'on ne se souvient pas de tout, pas tout de suite. Les souvenirs remontent un à un, mais le réveil est aussi paisible que si on avait dormi comme un enfant. Les seuls choses qui lui restent en mémoire ce sont ces bras qui l'ont porté jusqu'à son lit, déposé sur son matelas et rabattu la couverture sur son corps frigorifié. Peut-être même un baiser sur la joue... Mais encore est-il qu'elle n'en est pas sûre.

Elle agrippe les draps, et grelotte, plus de fatigue que de froid. Ses cheveux ont un gout de sel, sa peau est toute sèche et le reste de la chambre pue à cause du manque d'aération. Eillana émerge de son lit, sort difficilement ses pieds et se dirige comme un zombie vers la salle de bain. Elle n'a pas bu énormément d'alcool mais elle a tout de même l'impression d'endosser une bonne cuite. Eillana saute sous sa longue douche chaude.

La jeune fille ouvre les rideaux en grand. La mer est aussi belle qu'hier, claire sous le soleil meurtrier de midi et demi. MIDI ET DEMI ?! Et merde !

- « Oh mon dieu ! »

Comment peut-elle être si détendue alors que tout le monde doit déjà être en bas à l'attendre ? Pas le temps pour la vue...

Elle passe la seconde, s'habille avec une jupe ajustée, un débardeur court, met un peu de crème et descend dans le hall. Heureusement, personne ne fait vraiment attention à l'entrée indiscrète de l'adolescente. Elle cherche tant bien que mal à éviter le regard sévère de professeurs aigris et se fond dans la masse.

- « Tu arrives tard, dis donc ! » déclare Joy en lui faisant un signe.

- « Tu n'aurais pas pu me réveiller ? » grogne Eillana.

- « Je pensais que Losvitch le ferait. Il a déposé ton sac à main dans la chambre ce matin. »

Losvitch... Ce nom évoque des sensations perturbantes au creux de son estomac et tout remonte : les cinq secondes de l'action ou vérité, le presque baiser des toilettes, et sa grosse bourde derrière la falaise. Ses yeux sont aussi gros que ceux d'un hibou.

- « J'ai manqué quoi ? » devine Joy, lisant en elle comme à son habitude.

Eillana sait que lui cacher quoique ce soit est inutile. Elle lui résume en gros la facette de la soirée que son amie ignore.

- « J'en étais sûre ! » affirme cette dernière avec malice. « Je savais que quelque chose s'était passé à partir du moment où je vous ai vus revenir de je ne sais où ! »

Elle se détourne avec gêne.

- « Aujourd'hui, quartier libre pour tout le monde. » baille Madame Estrasir, épuisée pour la première fois de sa vie. « Vous pouvez aller visiter la ville, des taxis sont à votre disposition MAIS soyez revenus avant vingt-deux heures sinon on va devoir sévir, compris ? »

Les élèves applaudissent cette nouvelle si réjouissante. Plus de profs derrière le dos et ce, pour la journée entière !

Les deux camarades s'isolent au bar. Elles se servent deux verres d'eau et de cola sans sucre.

- « Où sont passés les autres ? »

- « Oh, je pense qu'il devraient arriver. Les garçons sont partis faire une partie de wildball dans les jardins et le reste des filles, aucune idée. Et connaissant Tess tu n'es pas la seule retardataire... »

Eillana se rassure. Elle aurait même pût dormir un peu plus puisque beaucoup manque encore à l'appel, bien qu'il soit treize heures passées.

- « On se refait ça demain ? »