Chapitre 10

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Le mardi suivant, Eillana quitte le cours de Madame Steyphon le plus rapidement que possible. Ce n'est pas qu'elle déteste la matière, mais se trouver à côté d'Owen pendant une heure et demie ne l'enchante pas vraiment.

Elle déboule dans le corridor, enferme ses affaires dans son casier et file au parking retrouver sa McLaren favorite. Le GPS en route, le moteur chaud et le bruit agréable de sa voiture vrombissante la fait sourire. L'adolescente appuie sur l'accélérateur et quitte Notari à pleine vitesse. Plus vite elle sera partie, plus vite elle sera revenue.

Le portail s'ouvre d'un claquement électrique. Rien n'a changé. La pelouse parfaitement tondue, les baies vitrées de la villa et l'agréable senteur de lavande emplit toujours l'air. Eillana gare sa voiture dans l'allée. Elle rase les parois et pousse la porte d'entrée, hésitante. Le sol est recouvert d'un carrelage brillant. Le plafond est orné de fresques anciennes et quelques anges sont incrustés dans les dorures.

- « Bonjour mademoiselle ! Cela faisait longtemps ! »

Une petite dame aux cheveux bouclés mêlées en deux couettes de couleurs l'accueille. Carmen prend sa veste et part la déposer dans la pièce à vêtement. Eillana lui fait un geste d'au revoir en tirant la langue et obtient une réponse similaire. Elle adore cette fille.

L'adolescente entre dans l'immense salle principale. Un salon intérieur à droite, sa cheminée et une grande cuisine en marbre font face aux vitres. La piscine à débordement est vide. A l'époque, elle y faisait des longueurs et, à ses heures perdues, observait la vue panoramique sur la ville et les champs en bordure. Maintenant l'eau s'écoule, tranquille. Pas un bruit ne vient déranger le calme environnant excepté un ballon gonflable qui stagne sur le côté.

Son père doit probablement se trouver du côté opposé au jardin.

Elle s'apprête à descendre dans les champs lorsqu'un bruit la retient. Des notes. Des notes appuyées délicatement sur une mélodie entrainante. Or, Orlando ne sait pas faire de musique. Quelque chose cloche. Eillana glisse son regard de la balle aux escaliers. Il faut être au moins deux pour jouer au ballon.

La jeune fille se précipite à l'étage du dessus. Elle se stoppe net à la dernière marche. La bibliothèque blanche et or résonne d'une mélodie classique. Et, bien qu'elle ne connaisse pas la personne qui la joue, elle se doute de son identité.

- « Eillana ? »

Son père lui jette un regard surpris. D'habitude, elle ne prend jamais la peine de venir le voir. L'inconnue l'a vue mais ses doigts continuent de pianoter. A la fin de la partition, Orlando applaudit théâtralement.

- « Bravo ! C'était superbe. » Il enlace la jeune femme avec tendresse avant de se rendre compte que sa fille est toujours là. « Ma chérie je te présente Hortense. Hortense, voici Eillana. »

La femme lui tend la main. L'adolescente la dévisage de bas en haut avec une expression supérieure. Jupe moulante bleu marine, chemise blanche, yeux en amande peau métisse et cheveux frisés... Ses vêtements de marques viennent sûrement de son père.

- « Hortense est compositrice. » sauve Orlando pour combler le silence. « Elle fait de magnifique symphonie et joue de plein d'instruments. Vous pourriez faire de la guitare ensemble ! »

- « Quel morceau ? » interrompt Eillana, son sourcil haut et dédaigneux.

- « Oh rien de connu... Quelques musiques de film, mais pas forcément de grand écran ! »

La jeune fille lève insolemment les yeux au ciel. Une artiste inconnue au bataillon qui charme un milliardaire. C'est bien ce qu'elle pensait : une croqueuse de diamant. Maintenant reste à savoir comment cette intruse fauchée avait fait la connaissance de quelqu'un d'aussi important.

Eillana CrofordWhere stories live. Discover now