Chapitre 15

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17h45

Son cœur s'emballe. Quelque chose ne va pas. Pourquoi tout le monde me regarde ? Pourquoi tout le monde me fixe ?

Elle déglutit bruyamment, tentant d'ignorer les regards courroucés pointés dans sa direction. Eillana respire nerveusement. La cloche sonne mais elle ne peut se résoudre à se diriger vers sa salle de classe. Un truc ne tourne pas rond. Si ça se trouve, une nouvelle vidéo stupide de sa prétendue relation a été publié. Pourtant quelque chose lui dit que ce n'est pas ce qu'elle croit. Que c'est bien pire. L'adolescente le voit, car ce ne sont pas les mêmes yeux qui la fixent. D'habitude, ceux-ci sont curieux, avides de potins débiles qui font que les gens oublient leur quotidien barbant... Non, ces yeux-là se noient dans un sentiment qu'elle hais plus que tout : celui de la pitié.

Un groupe du club de journalisme brise le silence glacial et débarque en grande trombe. Armé de leur micro et de leur caméra, ils commencent à lui parler tous en même temps.

- « Eillana ! Eillana ! »

Paniqué, elle cherche une échappatoire : un trou dans la foule, un espace libre, mais il n'y en a nulle part.

- « Peux-tu répondre à ma question ? »

Eillana relève deux iris bleu, décontenancée. Autant affronter les problèmes la tête haute -même si elle ne sait pas du tout de quoi ils parlent-.

- « Oui... »

- « Est-ce que c'est vrai, donc ? La rumeur. »

- « La rumeur sur quoi ? » feinte-t-elle avec une gêne évidente.

- « Sur Leï ? »

Son cœur se décroche. Métaphoriquement. Mais la douleur est telle qu'un doute s'insurge dans son cerveau. Elle sors son portable à la vitesse de la lumière et découvre avec horreur le NN&G de la journée.

La news en question est un écrit intitulé : Qui est vraiment Eillana ? Un long article relate en quelques lignes ses anciennes conditions de vie atroce : une cabane en bois sans électricité ni eau courante, des champs, des villageois désagréable et Leï. Leïla O'nray, sa mère, avec une photo attendrissante. La seule qui lui reste. Caché sous son oreiller, à l'abri des regards. Le dernier paragraphe cite :

Paix à l'âme de Leï qui repose sous terre quelque part. Nous souhaitons tout le bonheur du monde à sa fille que l'on l'accompagnera dans toutes ses épreuves. Train n'était pas un endroit facile mais la vie permet de rebondir sur ses jambes. La preuve : notre nouvelle est là aujourd'hui, en bonne santé et pleine de bonnes ondes !

Pourtant voilà, une question persiste encore sur cet arbre généalogique à trous: qui est donc le père d'Eillana ?

Merde. La jeune fille reste sans réactions un long moment. Tous les micros sont tendus vers sa bouche instable. Les larmes lui montent aux yeux. Elle doit partir.

Eillana écarte les groupies d'un mouvement de bras et s'élance à grandes enjambées hors du hall. Elle monte les escaliers. Le corridor des dortoirs est plein à craquer. Elle descend d'un étage. La salle commune grouille de personnes qui lisent le NN&G. Finalement, elle se laisse choir dans le couloir des employés de ménage avec l'affreuse sensation que le ciel lui tombe sur la tête.

*

Losvitch s'apprête à rejoindre le hall lorsque des pleurs entrecoupés attirent son attention. Il tourne dans tous les sens. Il a un mauvais pressentiment. L'adolescent concentre son ouïe sur les couloirs jusqu'à discerner l'origine du bruit.

Eillana CrofordWhere stories live. Discover now