CHAPITRE QUATRE

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— Vous êtes devant la machine à café, là.

Son expression insolente m'insupportait au plus haut point.

— Et donc ?  Lançai-je cyniquement.

— Poussez-vous.

— Et un « s'il vous plaît », ça vous tuerait ? Oh non, pardon, monsieur ne daigne pas être un minimum cordial avec moi.

Mon ton se voulait dur, mais au final, il tremblait de rage. Si bien que je finis par me décaler et repartir vers mon bureau.

— Je m'excuse...

Je manquai de m'étouffer. Venait-il de demander pardon ? Je crois rêver. Je me retournai vers lui, abasourdie, pour vérifier que ce n'était pas une hallucination collective. Il ne me prêtait pas attention, soufflant sur son café brûlant.

Je scrutai son gobelet, il avait pris un café noir comme son âme et amer comme sa personnalité. Une parfaite adéquation entre la couleur sombre de sa boisson et sa gentillesse envers moi. Idéal pour lui.

Kamil releva la tête et passa à côté de moi, m'effleurant l'épaule avant de murmurer près de mon oreille :

— Je m'excuse que vous ayez vos règles aujourd'hui.

J'étais bouche bée devant son culot. Le visage complètement crispé je le regardais continuer sa route en toute tranquillité. Mon cerveau tournait à mille à l'heure. « Tu vas encore te laisser faire, Ysaline ? » chuchota une petite voix dans ma tête. Un sourire étira doucement ma bouche. Non pas cette fois...

— Ah, c'est donc ça votre grand talent d'avocat ? Les répliques de cour de récré ? Bravo, Demir, c'est presque impressionnant.

Je marquai une pause. Intrigué, il se retourna, posant ses yeux verts sur moi. Je repris, encore plus calmement, un sourire narquois pendu à mes lèvres :

— Si vous mettiez autant d'effort dans votre travail que dans vos petites piques, peut-être que j'aurais enfin quelque chose à vous envier. Mais bon, je suppose qu'on fait avec les compétences qu'on a...

Je lui lançai un dernier regard appuyé avant de passer devant lui, faisant claquer mes Louboutin sur le sol. Je n'avais pas acheté ces chaussures pour rien. Je me délectais de l'idée qu'il n'aurait sûrement rien de brillant à répondre, et j'avais vu juste : même sans le voir, je savais qu'il était resté planté en plein milieu du couloir.

Ysaline 1 – Kamil 0

Avançant à grandes enjambées, je poussai la porte de mon bureau et m'y enfermai. Il a le don de m'énerver au plus haut point, Seigneur... Je me remis au travail espérant chasser ses pensées de mon esprit. Quelques dossiers plus tard, j'avais enfin réussi à me calmer. Un bruit me fit relever la tête.

— Ça va ? Me demanda Mathilde, la tête passée dans l'embrasure de la porte.

— Ben oui, pourquoi ?

Elle regarda sa montre, puis moi, puis de nouveau sa montre.

— Il est déjà 18 h...

Mes yeux s'écarquillèrent ; j'avais potentiellement oublié de... de vivre en fin de compte.

— Ah oui...

— Traîne pas trop, t'as l'air fatiguée.

Si tu savais, tu n'as pas idée.

— Oui, ne t'inquiète pas.

— Je débauche plus tôt aujourd'hui, à demain.

Mathilde referma la porte.

LES OMBRES DU PASSÉOù les histoires vivent. Découvrez maintenant