CHAPITRE SIX

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Kamil Demir, Paris (France), 21 novembre


Appuyé contre un mur, le souffle court, je sens la pression monter dans ma cage thoracique. Au départ, ce n'est qu'un simple frisson, à peine perceptible de l'extérieur, mais je le ressens pleinement. Elle arrive.

Chaque battement frénétique de mon cœur tambourine dans mes tempes, comme si on jouait de la batterie dans ma tête. Je prends une grande inspiration, essayant de calmer le tourbillon qui progresse en moi. J'essaie de respirer, mais l'air ne rentre pas. Je suffoque. Meurs.

Mes mains deviennent moites. Je les frotte sur mon pantalon, mais l'humidité revient, implacablement. Une bouffée de chaleur m'envahit soudainement. J'ai chaud. Bien fait pour toi.

Mes mains tremblent. J'essaie de m'agripper à quelque chose. Mes ongles grattent frénétiquement mon avant-bras, laissant de petites striures rougeâtres. J'ai mal. Tu le mérites.

Le monde se brouille, tout devient flou. Les objets apparaissent dans des formes subtiles, presque fantomatiques. Le monde se retire autour de moi, m'abandonnant. Je ne veux pas être seul. Tu l'es déjà.

Un nœud se forme dans mon ventre. L'angoisse grandit, oppressante. Non, pas encore. Tu sais ce qui t'attend.

Ma gorge se serre, les mots restent bloqués. Je ne me reconnais plus. Mon corps vacille, je sens la nausée monter, et avec elle, une peur irrationnelle qui s'empare de mes pensées. Je ne sais même plus pourquoi je panique, mais c'est là. Ça m'écrase, ça me consume. Je suis prisonnier de mon esprit. C'est de ta faute.

Les larmes dévalent mes joues, brûlant mes pommettes avant de s'écraser sur ma chemise blanche. Incapable.

Des pas. Puis le silence. Un silence qui emplit la pièce, seulement brisé par ma respiration que je ne parviens pas à calmer. Tu rêves, mon pauvre.

— Monsieur Demir ?

Incapable.

Idiot.

Stupide.

— Demir ?

Meurs.

Meurs.

Meurs.

— Kamil ?

Un sursaut me prend, je me réveille en sueur.

Merde...

Encore ce foutu rêve... ou plutôt cauchemar. Au lieu de m'expliquer, j'ai fui comme un lâche. C'est une habitude chez toi. Trop honteux d'avoir fait une crise d'angoisse devant ma nouvelle collègue, je l'ai insultée et lui ai dit de dégager au lieu de la remercier de m'avoir sorti de ma transe. Tu es stupide, tellement stupide.

J'essuie les dernières larmes qui roulent sur mes joues et attrape mon portable. La luminosité m'éblouit, m'obligeant à fermer les yeux quelques secondes. 5h26. Morphée ne reviendra pas. Autant partir travailler maintenant.

Devant le miroir de la salle de bain, je contemple mon reflet — ou plutôt, la personne devant moi. Un étranger. Mes mains crispées sur la vasque du lavabo. Le teint pâle, les yeux cernés, le regard vide. C'est moi. Tu es dégoûtant.

Je prends une inspiration et asperge mon visage d'eau pour me redonner contenance. Le froid mordant mes joues, j'écarquille les yeux. Il faut vraiment que je pense à cette foutue chaudière.

Je noue maladroitement ma cravate et sors de mon immeuble, montant à la hâte dans ma Aston Martin. Pas peu fier de ce joli bijou. Homme avoir voiture puissante = homme content.

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