Le ton de sa voix me fit frissonner, et je me surpris à remettre mon masque de froideur, tel un automate.
— Je n'ai pas le temps pour vos gamineries, Marchal, dis-je froidement.
Pourquoi je lui parle comme ça ? Je ne suis qu'un connard. N'oublie pas ton objectif, Kamil.
Mon objectif, ouais.— Mes gamineries ? Son ton descend d'un octave. Vous êtes culotté, Demir.
Sa voix est tranchante et sèche. Je voulais lui sortir une de mes habituelles remarques cinglantes, mais les mots restent bloqués dans ma gorge.— Vous me traitez de gamine, mais depuis que je suis arrivée, vous me vouez une haine viscérale sans raison apparente. Vous me descendez en permanence, avec vos regards noirs, vos remarques blessantes. Ça ne vous dit rien ? cracha-t-elle.
Son regard s'abat sur moi comme une masse, mes épaules deviennent plus lourdes, et mes mains moites. Soudainement, je reprends mon sourire narquois.
— Une haine viscérale, dites-vous ?
Arrête, Kamil.Elle se rapproche de moi d'un pas déterminé, ses yeux brillent d'une lueur que je ne lui connais pas. Un tas d'émotions traverse ses pupilles caramel, j'y décèle principalement de la colère, mais aussi de l'amertume, beaucoup d'amertume, trop.
— Oui, Demir, depuis le premier jour. Vous me méprisez, me repoussez, et je ne sais même pas pourquoi.Ses paumes se plaquent sur le bois de mon bureau, et elle penche son buste un peu plus vers moi. Je me retiens de reculer, cette proximité me gêne. Pourtant, les effluves de son parfum épicé m'embaument dans un nuage presque réconfortant. Je déglutis et la fixe avec mon habituel regard noir. Mon silence pèse lourd dans l'air, chaque seconde semble étirer l'instant. Les mots me brûlent les lèvres, mais je les retiens. Ce n'est pas le moment. Ne te laisse pas déstabiliser.
— Alors, peut-être que cela vous amuse, et dans ce cas, grand bien vous fasse. Mais sachez que vous ne m'impressionnez absolument pas.
Elle se rapproche encore et pointe son doigt vers mon torse.
— Votre petit jeu, je n'en ai rien à foutre, que ce soit bien clair. Je suis ici pour réussir, pour monter. Votre carrière, je m'en tape, ok ? Vous êtes en compétition tout seul, Demir.L'ongle rouge de son index s'appuie contre ma chemise, faisant pression sur mon plexus solaire. Comme si elle voulait accentuer le fait que je la gêne, je la bloque. Est-ce vraiment ce que je veux faire au fond ? J'ai l'impression de n'être qu'un simple spectateur de la scène. Mon corps est figé, les mots se bloquent dans ma gorge, je ne me contrôle plus. Comme statufié. Je voudrais lui dire, lui expliquer pourquoi j'agis ainsi, mais un étau invisible lacère ma trachée.
Son doigt appuie un peu plus fort, et j'ai l'impression que toute sa colère, toutes ses émotions, sa frustration sont concentrées dans ce point précis. Son contact me consume, pourtant je reste assis, incapable de réagir. Chaque seconde qui passe m'enfonce un peu plus dans ce tourbillon de pensées qui grandit dans ma tête.
— Vous avez compris, ou il faut que je parle mandarin ?Je déglutis mais affiche un sourire calme.
— Oh, j'aimerais beaucoup apprendre cette langue, vous savez.Elle ignora royalement ma réplique. Je fis mine d'être blessé, pourtant mon cœur battait si fort que j'ai eu peur, pendant une fraction de seconde, qu'elle l'entende, qu'elle se rende compte à quel point ses paroles m'ébranlent. Tu es fragile, tellement fragile.
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LES OMBRES DU PASSÉ
RomanceMéfiez-vous de votre passé, il peut vous cacher bien des choses...