TW : Ce chapitre comporte des scènes de mutilation
Un jour, Jordan ne vint pas au dîner. Ni au petit déjeuner, le lendemain. En fait, Iserine ne le vit plus nulle part, sûrement dû à ses actes de bénévolat dans le lac. Après avoir passé deux jours sans dire un seul mot à qui que ce soit, Iserine décida finalement de demander des nouvelles. Elle se disait que, vu le contexte, le garçon avait sûrement développé une profonde haine envers elle, chose tout à fait normale étant donné qu'elle était la raison de la mort de nombreuses personnes innocentes. N'empêche, Iserine se sentait un peu triste, sans lui. Incapable de trouver Salomé, elle finit par se rendre au bureau de la direction.
-Qu'est-ce qui se passe ? demanda un homme à lunettes.
-Je voulais savoir si vous saviez où se trouvait Jordan... Jordan Kirk.
-Jordan... le gars qui s'était noyé dans le lac il y a quelques semaines ?
-Oui.
-Je crois qu'il est à l'infirmerie. Il a dû attraper froid, un truc dans le genre.
Ainsi, Iserine se rendit là-bas. Elle ne pouvait s'empêcher d'être heureuse que l'absence de son amie ne soit pas de sa faute.
"L'infirmerie" actuelle n'était pas à la même place qu'avant, étant donné que celle ci avait été détruite. La nouvelle était beaucoup plus petite et sentait la poussière. Il n'y avait que trois lits, et quelques médecins autour. Jordan était là, endormi, pâle.
Une infirmière demanda à Iserine pourquoi elle était là.
-Je suis venue voir un ami. C'est lui, là. Il va bien ?
L'infirmière la laissa entrer, avant de répondre :
-Eh bien... C'est compliqué. Il a attrapé une forme de pneumonie - rien que nous ne puissions soigner, en soit.
-En soit ?
La dame soupira, et dévia le regard, laissant apparaître une nouvelle paire de pupilles au coin de ses yeux.
-Hum... Vous connaissez la malédiction de ce jeune homme n'est-ce pas ?
-Oui. Il tousse du feu - mais il est très bon pour se retenir, vous inquiétez pas.
-Non, ce n'est pas ça... Votre ami... Ses poumons ne sont pas en trop mauvais état, mais sa malédiction les fragilise.
-Hein ?
-Eh bien, nous avons toujours un peu du mal à comprendre ce qui se passe, mais il semblerait que la chaleur normalement gérée par son corps est devenue beaucoup plus forte, depuis son coup de froid. C'est comme si... comme si ses poumons brûlaient de l'intérieur.
Iserine eut un mouvement de recul.
-Comment ça ? C'est soignable ?
-Là est tout le problème ! Nous n'avons aucune idée de comment arrêter la propagation, elle est... trop liée à sa malédiction. Bien sûr, ça ne veut rien dire, et nous finirons à coup sûr par trouver une solution, mais, dans le cas contraire... (elle fit des gestes vagues de la main) enfin voilà.
Iserine prit une profonde respiration, la voix tremblante. Ses jambes semblaient molles. Elle avait l'impression que sa vision se recadrait.
-Alors... Il risque de mourir ? Il le sait ?
L'infirmière pencha la tête, et Iserine se força à se concentrer sur ses yeux pour se calmer. Elle avait des pupilles de chèvres.
-Il n'est pas encore au courant... il n'est pas conscient très souvent, et nous pensons qu'il ne vaut mieux pas l'embêter avec ce genre de détail alors que tout peut encore changer.
Elles se tournèrent vers le patient, et ne parlèrent plus jusqu'à ce que, avant de se tourner, la femme demande :
-Ça va aller ?
Et que Iserine réponde oui.
Instinctivement, la jeune fille partit marcher dans les couloirs, et finit par arriver dans la bibliothèque. Elle attrapa quelques livres, s'assit dans un coin, posa les ouvrages par terre et se mit à pleurer en silence. Pourquoi est-ce que tout se passait mal ? À cause de la promesse qu'elle avait faite à Léo ? À cause de son passé ? Pourquoi est-ce que le destin ne pouvait pas s'en prendre à elle, pourquoi est-ce qu'il devait faire du mal à des personnes qui n'avaient rien à voir dans tout ça ? Tout aurait été tellement mieux si c'était elle que Dahut avait tué, si c'était elle qui avait sauté du toit, si c'était elle qui mourrait à petit feu. Pourquoi... ? Ah, elle ne voulait même plus y penser. Si seulement elle pouvait juste oublier tout ça. Peut-être était-ce pour cela qu'elle avait perdu la mémoire, parce que sa vie jusque-là n'était que malheur ?
Iserine renifla. Qu'est-ce qu'elle devait être moche, là. Si c'était pour vivre une vie aussi exécrable, autant ne jamais être née.
Non. Elle devait se ressaisir. Iserine attrapa sa main et se mit à la mordre pour se concentrer sur la douleur. Et, alors que son bras avait viré au rouge, et qu'elle le retirait de son emprise, elle remarqua une feuille. Une feuille de papier, recouverte d'écriture, à l'intérieur de ses veines. Son ventre se recroquevilla à cette vue. Qu'est-ce que...
Elle tenta d'attraper la page, mais elle se perdit. Iserine en pleura de plus belle. Où était-elle donc passé ? Cette page ! Elle en avait besoin ! Tout de suite ! Iserine tourna son poignet dans tous les sens. Où ? Où ! Cette page, elle était importante ! C'était là qu'elle aurait pu trouver toutes les solutions ! Son passé ! Comment ramener Henri et Maddie ! Comment sauver Jordan !
Comment sauver Jordan...
Herensuge. H-E-R-E-N-S-U-G-E.
C'était lui qui avait donné sa malédiction à Jordan. Et c'était lui qui pourrait la reprendre.
Et puis
N'était-ce pas le but ?
Elle avait promis à Léo de tuer tous les esprits du monde.
Il fallait bien que ça commence quelque part.
Mais comment le tuer ? Où le trouver ? Comment sortir de Middle Down ?
Iserine prit une profonde inspiration.
Il fallait trouver un moyen, et vite.
"Je ne tiens pas assez à la vie pour craindre la mort.
~Alexandre Dumas, Les Trois Mousquetaires"
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Souvenirs Célestes
Science Fiction/!\ Attention, cette histoire comporte des sujets sensibles /!\ TW : dépression, mort, scènes à caractères violents "Bienvenue à Middle Down, Iserine. Le refuge pour maudits." La limite entre les histoires et la réalité est aussi mince qu'une feuill...