J'ouvre les yeux et une lumière blanche m'aveugle. Où suis-je, là? Je cligne des yeux plusieurs fois et les images se stabilisent autour de moi: je suis dans une chambre d'hôpital, où des infirmières me regardent. L'une d'elles s'exclame:
- Ah, elle s'est réveillée!
Une autre infirmière sort de la pièce et appelle quelqu'un:
- Tu peux rentrer, ton amie s'est réveillée.
Ava?
Manuel entre dans la pièce et se place devant moi.
- Steffi!
Il se lance dans mes bras. Aieuuh!
- Euh, tu me fais mal là.
- Oh, désolé, vraiment.
Il recule, un peu gêné. Je baisse le regard vers ma jambe et remarque que celle-ci est entourée de plâtre. Gé-nial. Des béquilles sont accotées sur mon lit d'hôpital. Mon bras est enroulé dans un bandage blanc et mon dos ne me fait presque plus mal. Ouf! Je me retourne vers l'infirmière, et demande avec une pointe d'espoir dans la voix:
- Je peux sortir d'ici, je me sens mieux, là. S'il vous plaît?
La dame me répond que mon état est stable et que je pourrais sortir dans une heure ou deux.
- Quoi? Non, mais je ne peux pas attendre, quand même! Mon amie Ava s'est fait renverser par une voiture et moi je devrais attendre ici? Je me sens mieux, et je dois VOIR MON AMIE!
En voyant la mine déconfite de Manuel, je trouve que quelque chose cloche.
- Elle...elle va bien, si?
- Eh bien, heu, c'est que...
- Qu'est-ce qu'il lui est arrivé? Elle est ici? Je VEUX LA VOIR! que je hurle avec une pointe d'hystérie dans la voix.
- Oui, bien sûr, tu peux aller la voir mais...elle n'est pas encore réveillée et est dans un horrible état. Nous ne savons pas si elle survivra. Ça pourra vous faire un choc de la voir comme ça, déclare une des infirmières.
Je fige. C'est comme si le temps s'était arrêté autour de moi. Manuel ne sait pas quoi dire. Enfin, on ne peut pas dire qu'il ait dit grand-chose depuis le début, aussi. Il ne sait visiblement pas où se placer. Quand un océan de larmes coule de mes yeux, il pose une main sur mon épaule, tout simplement. Je relève le menton, et, tremblante, j'annonce:
- Je veux la voir.
🕙🕙🕙
Marchant avec mes béquilles qui font un drôle de clic-clac-cloc, je suis l'infirmière vers la chambre où Ava séjourne. Redoutant le moment où je devrais la voir en face, je me craque nerveusement les doigts. Quand on arrive devant la porte, nous devons attendre car ma best a déjà de la visite de ses parents. Les pauvres! Ils doivent être vraiment choqués et tristes. Je verse une larme et tout à coup, l'infirmière passe gentiment son bras autour de mes épaules. Je lui fais un petit sourire et allume mon cellulaire qui n'arrête pas de vibrer.
Steffi, après l'école, rentre directement à la maison pour rencontrer tes nouveaux tuteurs. Et pas de conneries, c'est clair?
Tu as intérêt à faire bonne impression ou on peut tout aussi te lâcher dans la rue, sale gosse!
Steffi? Ce n'est pas le temps de m'ignorer, là! Écoute-moi!
Où es-tu ??
Argh, ils ne savent même pas que j'ai manqué de mourir dans un accident! Pfff, la-men-table! Je pianote sur mon clavier à la vitesse de l'éclair.
Je suis à l'hôpital, tu sauras! Je suis allée à l'école dans la voiture de mon amie et il y a eu un accident! Tu ne savais pas? Vraiment, vous êtes horribles comme tuteurs! Lamentable!
Pour de vrai? Si c'est une blague, ça ne m'étonnerait pas!
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Bon, tu trouves toujours un moyen de te mettre dans les problèmes. Dépêche-toi de rentrer!
Je suis choquée, mais finalement, pas si étonnée. Il n'a vraiment pas de cœur, ce vieux crouton! Grr! Je décide de l'ignorer au lieu de répondre. Quelque chose me tire brutalement de mes pensées. Les parents d'Ava sortent de la chambre avec des pas précipités. La mère est en larmes et le père garde un visage impassible. Bon, je pense que c'est notre tour, maintenant! L'infirmière m'entraine vers la chambre. En entrant, je retiens mon souffle. Je fixe mes souliers jusqu'à arriver au lit. Je lève la tête doucement: mes jambes s'alourdissent et je ne bouge plus. Je suis comme frigorifiée. Figée. Je ne reconnais plus mon amie. Des bandages lui bandent les bras, les jambes, la taille et aussi le haut de la tête. Des gouttes de sang tachent les bandages. Elle a de nombreux bleus sur le visage, sa lèvre est sanglante, plusieurs égratignures éclaboussent sa peau. Ses yeux sont clos. Je ne peux pas supporter de savoir qu'elle est entre la vie et la mort. Dire que ce matin tout allait bien! On était loin de se douter qu'une de nous allait presque perdre la vie. Soudain, c'en est trop pour moi. Je sors de la pièce en courant (avec mes béquilles, ce n'est pas facile!). Je cours, je cours, je cours. Finalement, je tombe d'épuisement et m'assois sur le sol glacé. L'infirmière vient me rejoindre et me dit que je peux rentrer chez moi. C'est bizarre, je pensais qu'elle allait demander à parler à mes tuteurs. BOF! Tant pis! Je sors de l'hôpital, avec un sentiment de vide en moi.
1h47
J'entre dans la maison et me dirige vers ma chambre. Mon tuteur éteint la télé et me dit:
- Ah, ben ce n'est pas trop tôt! Redescends dans le salon dans une heure, tes nouveaux tuteurs seront là pour te rencontrer.
Je lève les yeux au ciel.
- C'est qui?
- Un couple de vieux retraités, autour de 74 ans. Ils ont une dizaine d'enfants chez eux. Ils seront contents d'accueillir une morveuse comme toi.
Je ne prends même pas la peine de répondre. Je cours m'enfermer dans ma chambre en prenant soin de claquer la porte. Ça défoule! Je lance mes béquilles à l'autre bout de la pièce et me couche dans mon lit. Super. Je vais aller habiter chez des p'tits vieux qui abritent déjà une dizaine de gamins. L'enfer. J'en ai marre qu'on me trimballe depuis toujours de famille en famille. Ma meilleure amie est sur le point de mourir, mes idiots de tuteurs sont sur le point de me donner à quelqu'un d'autre et ma jambe est cassée. Soudain, je pense à quelque chose. Je pourrais fuguer, non? Prendre quelques affaires dans un sac, de l'argent et m'enfuir loin d'ici. Quelque part où je pourrais réaliser mes rêves. Je sais que ce n'est pas l'idée la plus brillante du monde, mais c'est ça ou me retrouver à vivre avec un couple de retraités tout ridés et une dizaine de p'tits gosses énervants. OK. Ouais, j'avoue. Je me redresse d'un coup. Je sors un sac noir assez grand de ma garde-robe et y mets 5 tenues, 2 bouteilles d'eau, des collations achetées au dépanneur, des souliers, un roman, ma carte OPUS, tout mon argent, soit environ 1000$, un carnet, mon passeport (si jamais), mon chargeur et mon cellulaire. Je mets aussi une veste, un chapeau, une lampe torche et ma carte de crédit. Je ferme le sac, range mon cellulaire dans ma poche, ouvre la fenêtre, et pousse un soupir, pensant à ce que je m'apprête à faire. Je me souviens des insultes, méchancetés et de chaque fois qu'on m'a rabaissé et traité de bonne à rien, qu'on a mis une barrière à mes rêves. Et alors, sans hésitation, je lance mes béquilles, saute, les reprend, et pars pour un long voyage. Adieu, tuteurs. Adieu, Manuel et Ava. Je reviendrais pour mes amis. Mais maintenant, alors que je me dirige vers l'inconnu, je verse une larme, je l'essuie, lève le menton, et marche sans arrêt, d'un pas rapide, sans regarder derrière.
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Steffi!
AdventureSteffi a 16 ans et vit en famille d'accueil depuis ses 4 ans. Ses meilleurs amis sont Ava et Manuel. Après un accident de voiture, Ava qui est dans le coma et les tuteurs de Steffi qui veulent la placer dans une nouvelle famille d'accueil, Steffi s'...