Mieux vaut les chiens [DARK ROMANCE]

Les larmes de la rédemption

Au petit matin, lorsqu'Alexander pénétra dans le chenil, il trouva Emily prostrée près du cadavre du rottweiler. Ses yeux étaient vides, son visage figé dans une expression de douleur indicible.

Sans un mot, Alexander s'agenouilla près d'elle. Il posa une main étonnamment douce sur l'encolure du chien mort, comme un ultime hommage à la bête.

"Je suis responsable," lâcha-t-il soudain d'une voix étranglée. "C'est moi qui ai laissé la drogue à ta portée. Je pensais te tester mais... Je n'avais pas anticipé une telle issue."

Emily leva un regard incrédule vers son bourreau. Pour la première fois, elle discernait comme une fêlure dans sa carapace de froideur, une once de remords sincère.

D'un geste délibéré, Alexander tendit sa main et la glissa entre les dents d'Emily. La jeune femme se figea, interdite devant ce geste inattendu.

"Mords-moi," souffla-t-il en plongeant son regard dans le sien. "Punis-moi pour cette erreur, pour toute la souffrance que je vous inflige."

Avec une hésitation teintée de crainte, Emily referma lentement ses mâchoires sur la chair offerte. Elle sentit le goût cuivré du sang envahir sa bouche, mais Alexander ne tressaillit pas, encaissant la douleur sans ciller.

"Tu sais, je suis comme je suis," murmura-t-il, une lueur tourmentée au fond des yeux. "Je fais de mon mieux, mais... Au fond, je vous aime. Toi et mes chiens, vous êtes tout ce que j'ai."

Il ferma brièvement les paupières, comme submergé par un flot d'émotions trop longtemps contenues.

"J'ai été trahi trop souvent par les humains," reprit-il d'une voix rauque. "Ils sont fourbes, cruels, ils dissimulent leur noirceur derrière de faux-semblants. Mais pas les chiens. Eux sont honnêtes dans leur dévotion comme dans leur sauvagerie. Tout comme toi Emily."

La jeune femme sentit sa gorge se nouer devant cet aveu inattendu. Malgré la situation, malgré tout ce qu'Alexander lui avait fait subir, elle percevait la souffrance et la solitude qui l'habitaient. Comme elle, il luttait contre ses propres démons.

Lentement, Emily desserra les dents, libérant la main meurtrie de son maître. Dans un geste de réconfort spontané, elle se mit à lécher les plaies sanglantes, comme pour apaiser leur douleur commune. Le goût métallique du sang se mêlait à la chaleur de sa langue tandis qu'elle nettoyait délicatement chaque entaille.

Alexander la laissa faire, une expression indéchiffrable sur le visage. Puis, dans un mouvement empreint d'une tendresse bourrue, il attira Emily contre lui, la serrant dans ses bras comme une chose précieuse et fragile.

Ils restèrent ainsi enlacés de longues minutes, partageant un moment de vulnérabilité et de compréhension mutuelle. Dans le silence du chenil, un lien secret se tissait, une connexion forgée par leurs blessures et leur noirceur partagées.

Alexander se releva lentement, son regard s'attardant une dernière fois sur le corps sans vie du rottweiler. "Viens," dit-il doucement à Emily. "Allons enterrer Luthor comme il se doit."

La jeune femme hocha la tête, la gorge serrée par l'émotion. C'était la première fois qu'Alexander prononçait le nom du chien devant elle, la première fois qu'il reconnaissait ouvertement son identité et son importance.

Contre toute attente, Alexander ne prit pas la laisse d'Emily lorsqu'ils quittèrent le chenil. Il la laissa marcher à ses côtés, libre de ses mouvements, comme s'il lui faisait enfin assez confiance pour ne pas tenter de s'échapper.

Ils se dirigèrent vers un coin reculé de la propriété, un petit bosquet d'arbres à l'écart des bâtiments principaux. Alexander portait le corps de Luthor enveloppé dans une couverture, le tenant avec une délicatesse presque révérencieuse.