12 - ROSE-MARY

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ROSE-MARY













La sortie du métro est moins peuplée que d'habitude, mais l'air frais de la nuit ne manque pas de mordre ma peau dès que je pose un pied dehors. J'enroule mon écharpe un peu plus serrée autour de mon cou, essayant de chasser les souvenirs oppressants du visage de cet homme. Ce n'est qu'une coïncidence, juste un type comme un autre.

Il faut que je me calme.

Mais malgré mes efforts, je ne peux m'empêcher de penser que ce n'était pas un hasard si nos regards se sont croisés à plusieurs reprises.

Les rues sont encore agitées à cette heure. Des gens marchent rapidement, certains tête baissée, d'autres en couple, riant et parlant fort, créant une cacophonie qui résonne dans l'air froid de New York. Je m'efforce de calquer mon rythme sur celui des passants, m'imaginant fondre dans la foule, devenir invisible. Mais mes pensées, elles, continuent de s'agiter.

En approchant de la supérette, je lève instinctivement les yeux vers la caméra de surveillance fixée au-dessus de la porte. Elle pointe directement vers la ruelle adjacente, celle-là même où je m'étais précipitée pour fuir ce que j'avais vu.

Cette caméra a peut-être tout capturé...

Le battement de mon cœur s'accélère un peu plus. Si je peux mettre la main sur ces images, peut-être que j'arriverai enfin à comprendre ce qui s'est vraiment passé cette nuit-là.

La clochette au-dessus de la porte tinte doucement alors que j'entre. L'éclairage est toujours aussi froid, presque stérile, et les rayons paraissent étrangement déserts à cette heure tardive. J'attrape un panier près de l'entrée et commence à errer dans les allées. Mes doigts tremblent légèrement alors que je parcours les étagères.

Je prends d'abord le lait, le carton froid contre ma paume moite.

Je devrais prendre du pain aussi...

Je m'arrête devant le rayon des pains, hésitant entre plusieurs choix avant de finalement en attraper un au hasard. Chaque mouvement est mécanique, mais mes pensées, elles, sont chaotiques. Je me souviens du corps qui s'effondrait, du cri étouffé qui avait déchiré la nuit, du sang...

Arrête d'y penser, Rose. Concentre-toi sur ce que tu es venue chercher.

Je continue de parcourir les rayons, ajoutant quelques légumes à mon panier, sans vraiment prêter attention à ce que je prends. Puis, alors que je tourne à l'angle d'une allée, mon regard tombe sur l'étagère des produits de beauté. Sans réfléchir, ma main se dirige vers ma coloration habituelle, celle qui me sert à cacher mes racines. Je la saisis, sentant un poids familier mais néanmoins apaisant.

Je prends une inspiration profonde, me dirigeant enfin vers le comptoir. Le vendeur est là, son expression fatiguée et indifférente. Il me reconnaît, je le vois dans son regard. Il m'observe un peu plus longuement que d'habitude, ses yeux se plissant légèrement alors qu'il semble chercher à se rappeler.

Je pose mes articles sur le tapis roulant, mon cœur battant toujours à un rythme irrégulier.

S'il me reconnaît, c'est bon signe, n'est-ce pas ?

Pourtant, cette reconnaissance m'inquiète autant qu'elle me rassure. Que pense-t-il vraiment ? Est-ce que je parais suspecte ?

Calme-toi, ce n'est qu'un vieux type qui fait son boulot. Rien de plus.

Il commence à scanner mes articles en silence, ses mouvements lents et méthodiques. Mais son regard ne quitte pas le mien, et je sens la tension monter d'un cran. C'est lui qui rompt le silence en premier.

Creepy SoulmateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant