Chapitre 2

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   Après avoir gravi une petite colline de terre, j'arrive enfin à destination. L'air devient plus lourd. Les odeurs de sang et d'alcool se ressentent jusqu'ici. J'aperçois, au loin, les restes de la Tour Eiffel et de la ville ; les quelques hautes maisons encore debout et les nouvelles, un peu plus basses et plus pratiques. Tout n'est plus désolation, mais on le devine encore aux anciennes maisons pas restaurées, aux amas de terre se dressant près d'arbres noirs.

   Le monde garde des séquelles de la Grande Guerre, une guerre qui s'est terminée il y a cinq siècles. Un combat entre les Hommes, où la Terre s'est tout autant battue que mes ancêtres. Les êtres humains se sont entre-tués pour s'accaparer les dernières terres encore émergées de l'eau. Se sont exterminés pour quelques bouts de terrains. Des bombes ont explosée, mettant en danger des centaines de personnes et causant la mort de milliers d'autres.

   La Terre, n'étant pas contente du traitement que nous lui offrions alors qu'elle nous donnait ses terres, ses cultures, ses forêts, s'est mise à se déchaîner. Des volcans endormis depuis des années se sont réveillés. Des ouragans, normalement improbable dans certaines zones climatiques, ont dévastés les côtes. Les mers ont poussés les derniers petits continents les uns vers les autres, pour n'en former plus qu'un seul : une nouvelle Pangée.

   Mes ancêtres avaient tant détruit le système écologique, qu'ils ne purent rien faire contre ce semblant de fin du monde.

   Deux ou trois faibles familles survécurent. Empêchant ainsi la fin de l'espèce humaine. Une légende raconte que c'est grâce à une tribu qui s'est séparée que les derniers êtres humains purent reconstruire des bâtiments, moins encombrants, plus « écologiques ».

   Autre que la terre, les humains gardent aussi des séquelles ; par exemple mon père est né avec un doigt en moins et une de mes tantes a un nez tordu.

   Moi, je suis née avec une partie de l'abdomen pourrie. On a du me couper cet endroit avec un espace de un centimètre de bonne peau pour que ça ne s'étende pas avec le temps et ils m'ont recousu le reste, ce qui me donne des rayures sur tout le ventre.

   C'est laid, mais je peux les cacher. Je n'ai pas de quoi me plaindre, c'est que répétait souvent ma mère quand mes rayures me fessaient mal, quand je me regardais dans la glace et que je me trouvais laide. Heureusement, que ma magnifique mère était là pour me rabaisser et me forger ainsi un mental d'acier.

   Je rentre dans la ville part le grand portail en bronze. Je marche et cherche en même temps une auberge déjà ouverte à cette heure. Évitant un groupe d'ivrogne étalé sur le trottoir, je me dirige vers une enseigne qui m'a l'air peu recommandable.

   Je pousse la porte et l'odeur de bière, de ragoût et de transpiration me prennent à la gorge. Je suis au bord de la nausée, pourtant je m'assieds sur un tabouret au bar et j'appelle le barman, un vieil homme bourru avec une barbe blanche.

— Vous ne pourriez pas m'indiquer s'il y a un tueur à gage dans le coin, s'il vous plaît ?

   Il se marre d'un rire toussoteux, puis lance à l'assemblée.

— Vous avez entendu les autres, nous avons affaires à une fille de riche qui veut un tueur, en me vouvoyant en plus !

   Tout le monde rigole. Le rouge me monte aux joues. Avant que je ne puisse répondre, le barman se rapproche de moi en souriant de ses dents écartées. Il pose une main répugnante sur ma tête, et je dois me faire violence pour ne pas l'égorger tout de suite. Il dit à son public :

— Vous pensez qu'elle vaudrait combien si nous la kidnappions ? Cent ou deux cent euros ? Peut-être pourrions nous même en profiter...

   Cette fois, je ne laisse à personne le temps de répondre. Je sais que je ne suis pas encore prête pour un corps à corps, mais en faisant discrètement je peux gagner. Je tends le bras d'un coup et attrape le col de l'homme. Je le rapproche violemment vers moi, nos visages à quelques centimètres l'un de l'autre. Je sens son haleine putride. Je n'ai pas pour habitude d'attraper une personne et la maintenir comme ça. Pourtant il ne bouge plus, les yeux louchant la pointe de la lame contre sa gorge.

Queen of the dead - tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant