coquille

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Jordan était assis dans l'une des pièces de Matignon, les yeux rivés sur Nikolaï qui était blotti contre lui, silencieux. Le petit garçon, à seulement six ans, était devenu une ombre de lui-même depuis la disparition de son frère Gabriel, quatre mois plus tôt. Ses grands yeux tristes cherchaient désespérément une trace de réconfort, mais le monde semblait s'être effondré autour de lui.

Stéphane, de son côté, n'était pas en état d'aider. Il avait sombré dans l'alcool, de plus en plus absent, enfermé dans son bureau. Ce soir encore, une bouteille presque vide traînait à côté de lui tandis qu'il regardait un point invisible devant lui. Nikolaï ne lui adressait plus la parole. Il lui en voulait profondément, le tenant partiellement responsable de la disparition de Gabriel. Il ne supportait plus sa présence et, depuis plusieurs semaines, il avait cessé de parler à Stéphane, ne s'adressant qu'à Jordan, le seul adulte à ses yeux capable de comprendre son chagrin.

Nikolaï refusait de dormir ailleurs que dans le lit de Gabriel, comme s'il espérait que, par magie, son grand frère reviendrait. Le lit était devenu une sorte de refuge, un endroit où il pouvait encore sentir la présence de Gabriel, même si c'était douloureux. Jordan, de son côté, était épuisé. Il jonglait entre ses responsabilités liées aux recherches, son propre chagrin, et l'attention qu'il devait porter à Nikolaï, qui avait besoin de beaucoup de réconfort.

Ce soir-là, alors que le silence régnait dans la maison, Nikolaï, blotti contre Jordan, finit par parler d'une petite voix faible, tremblante :
« Jordan... tu crois que Gabriel va revenir ? »
La question fendit le cœur de Jordan. Que pouvait-il dire à un enfant si jeune qui n'attendait que le retour de son frère adoré ? La vérité était qu'il n'en savait rien. Les recherches se poursuivaient, mais sans réel espoir. Pourtant, il ne pouvait pas briser le peu d'espoir qui restait dans le cœur de Nikolaï.

Jordan caressa doucement la tête du petit garçon et murmura :
« Je ne sais pas, Nikolaï... mais on fait tout ce qu'on peut pour le retrouver. Je te promets qu'on ne lâchera pas. »
Nikolaï hocha la tête sans un mot, serrant plus fort contre lui le pull de Gabriel qu'il ne quittait jamais.

Au loin, le bruit d'un verre qui se brise dans le bureau de Stéphane résonna à travers la maison, mais ni Jordan ni Nikolaï ne réagirent. C'était devenu la routine. Jordan était le seul à porter le poids de cette famille brisée, à maintenir un semblant d'équilibre.

Jordan sentit immédiatement le mouvement de Nikolaï, qui se blottit dans ses bras sans un mot, comprenant qu'il était l'heure de monter se coucher. Il serra doucement le petit garçon contre lui, le soulevant sans effort, et monta les escaliers en direction de la chambre de Gabriel. Comme tous les soirs depuis quatre mois, ils suivaient ce rituel silencieux, empreint de douleur et de résignation.

Arrivé dans la chambre de Gabriel, Jordan sentit son cœur se serrer une fois de plus. La pièce était empreinte de l'odeur familière de son amant disparu, un souvenir tangible qui rendait chaque nuit plus difficile. Nikolaï leva timidement le livre qu'il serrait contre lui : Alice au pays des merveilles. C'était le livre préféré de Gabriel quand il était enfant, un lien que le petit frère semblait désormais chérir avec une intensité poignante.

Jordan prit le livre avec un sourire triste, s'asseyant à côté de Nikolaï sur le grand lit. Ce petit garçon avait déjà vécu bien trop de douleurs pour son âge. Il était si jeune, mais la vie ne l'avait pas épargné. Le regard de Jordan se posa sur le visage fragile de Nikolaï, qui attendait patiemment, les yeux fatigués mais plein d'espoir. Jordan ouvrit le livre et commença à lire à voix basse, les mots flottant dans la pièce, réconfortants mais teintés de mélancolie.

Au fil des pages, Nikolaï se rapprocha encore, ses paupières devenant de plus en plus lourdes. Jordan continua de lire, même après que le souffle du petit garçon devint régulier, signe qu'il s'était enfin endormi. Il referma doucement le livre, prenant un moment pour observer Nikolaï, recroquevillé dans le lit de Gabriel. La vue du petit garçon endormi dans cette chambre serra de nouveau le cœur de Jordan.

i have nothing {attal X bardella}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant