Chapitre 13

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Je crois que tu as apaisé mon départ , alors , du fond du cœur merci pour cette année à tes côtés.

J'avais rencontré la douceur de la lune , la caresse , la pureté de celle ci et lorsqu'elle ne s'était plus levé , le soleil était venu régner en maître dans ma vallée meurtrit , et il avait lui aussi à sa manière capté mes yeux pour que je ne m'égare plus jamais.

Il avait fait fondre , craqueler , le mur de ce garçon aux ailes brisées.

Il m'avait montré la beauté d'un monde insoupçonné, il m'avait rendu la vue l'espace d'une étreinte.

On ne se disait pas Je t'aime, mais il arrivait que, lors d'un silence, on se regarde fixement, et qu'un sourire vienne illuminer nos deux visages.

Je ne saurais expliquer pourquoi, mais c'était un équivalent.

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Nous sommes en vie. Il faut en faire quelque chose, de cette vie périlleuse. Nous ratons continuellement. Nous ratons à l'infini.

Nous recommençons toujours.

L'incertitude nous fonde, l'échec nous construit, nous poursuivons des objectifs vains. Peuplés intérieurement par ces contradictions, par des êtres rencontrés n'étant plus, nous survivons par nos liens, nos attaches, nos amours et bien d'autres choses encore.

Parfois, assez souvent même, notre vie, donc rate, échappe. Elle ne tient plus qu'à un fil et le fil ne tient plus. Nous ne trouvons plus la force de poursuivre, d'aimer encore et toujours, de vivre des projets.

La vie s'épuise dans sa course.

Sort de son lit.

Meurt.

Elle ne donne plus le goût de poursuivre . Elle nous pousse à descendre précipitamment du bus.

Il nous faut penser cet acte du suicide, qu'il ne soit pas réduit. Que la vie ne s'y réduise pas. Nous le devons pour les morts qui habitent en nous.

Pour continuer le dialogue. Afin que cet acte ne rompe pas nos existences qui tiennent à l'entre-nous, au vivre ensemble.

Nous le devons pour les vivants qui survivent au souffle atomique que le mot suicide recouvre.

L'être aimé , le fils ou l'ami ne sont pas simplement morts.

Leur mort, ou plutôt leur façon de mourir, a tué en nous la possibilité de poursuivre la conversation avec eux.

Figés dans le ciel glacé, les statues fantomatiques des suicidés qui hantent nos vies abîmées. Il faudrait pouvoir les oublier. Leur redonner le goût du voyage.

Qu'ils sachent partir et revenir pour se souvenir.

Le travail de deuil est pénible

Il nous faut plonger avec eux dans le nœud de l'acte meurtrier. Trouver avec eux les mots qui les habitaient au moment où ils se sont mis à mort.

Se mettre à mort. Un geste terriblement humain.

Il est important de dire quelque chose du suicide, de la mort et du mort. De trouver les mots à partir du silence requis par l'acte réalisé. De poursuivre le dialogue avec l'être dont la flamme s'est éteinte afin dene pas rester glacé dans le temps de l'impossible oubli.

Sinon on y plonge inlassablement, jusqu'à perpétuer cette boucle indénouable.

Il est important d'en dire quelque chose, quelle que soit la portée de nos mots, car elle évoque une existence trop douloureuse.

Nous pensons à lui rendre une portée humaine, et peut être plus qu'humaine : vivante.

Cet acte implique que nous réfléchissions à qui nous sommes, à ce que nous pouvons être, à notre essence ainsi qu'à notre devenir. Il ne faut pas laisser sur le bord de la route ceux qui l'ont vécu de manière si proche, si sidérante. Il nous faut relancer la machine.

Dans ces pires moments, il faut que ça ouvre.

Que dire quand le silence est de mise ? Quand il est bien trop plaisant , envoûtant ?

La question posée n'est-elle pas : que reste-t-il à dire au-delà du suicide ?

Un acte tellement gorgé de sens qu'il en perdrait ses mots. Un acte qui ne trouverait ses paroles que plus tard, tant il est dur de dire une souffrance sans limites. Une chose qui ne trouverait pas de fin . Une souffrance sans seuil ni liminalité, qui n'ouvrirait pas sur un ailleurs.

Alors, après ? Après le « suicide », le « deuil » ?

N'avez-vous pas d'autres mots ?

En deuil de suicidé. Je suis sans mots. Ou plutôt je n'en ai plus qu'un, lancinant :

Pourquoi ?

La question est légitime mais mal posée et maladroite. Elle me fait trébucher. Comment le reprocher ? Une cause, un effet.

Je cherche une explication rationnelle, une bonne raison, un coupable, histoire de me raccrocher à ce qui pourrait me tenir encore à lui, à la vie.

Pourtant, je suis obligé d'admettre : face à l'acte, caché, dissimulé, dont j'ai été par définition exclu, je suis hors-jeu et rien ne me retient donc plus à lui.

Les ponts ont cédé, littéralement coupés, ce qui nous tenait ensemble n'a pas suffi. Oui, cet acte n'appartient qu'à celui qui le pratique en forme de dernier recours.

Oui, cet acte est sans raison.

Le suicide n'est malheureusement pas une équation mathématique qu'il est possible de résoudre.

Mais le suicide , il se peut qu'il ne soit pas la finalité abrégée d'une souffrance saturant la personne, mais également un acte plein d'un sens caché, d'un retour sur soi inéluctable, le retroussement d'un mal-être sur soi.

Plutôt que d'adresser à l'autre ses problèmes, la personne viendrait à se parler à soi-même.

Il faut néanmoins respecter le sens commun ainsi que la victime du mal-être. Mais personne ne parle, laissant choir un sens caché, recouvert par la violence d'un acte dont le silence s'impose.

L'être humain n'existerait plus dès lors qu'il s'est suicidé... et pourtant...

N'est il pas partout ?

Dans chaque recoins , mots , couleurs .

Il est absent et pourtant il est partout .

Les survivants veulent des explications , on cherche inévitablement un coupable pour tenter d'abréger une peine.

Nous pouvons faire ce que nous voulons d'un suicide, c'est un acte bien vivant.

Il donne à réfléchir.

Desire To LiveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant