Sonia, une voisine bafouée

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La vie de couple n'est pas toujours chose évidente. Lorsque l'on aménage ensemble, au début c'est l'excitation, on se crée un cocon. Un nid douillet dans lequel on finit, avec le temps, par s'enfermer. On s'ennuie, la vie devient banale. On stagne. Parfois on arrive à vivre avec, parfois on envoie tout péter.

Oh, ce n'est pas mon cas, je vis seul. Mais c'est une leçon que j'ai apprise de mes voisins de palier, un couple tout à fait charmant, la trentaine à peine. Quand ils ont aménagé dans l'appartement à côté du mien, il y a un peu plus d'un an, je les entendais souvent rigoler, et je les voyais souvent souriants, l'un au bras de l'autre. Lui travaille, pas elle. Mais comme je travaille depuis la maison, je l'entendais quand même mettre de la musique, la journée, et chanter en faisant ce qu'elle avait à faire. Bref, il y avait de la vie. Et le soir, je les entendais encore. Je les entendais faire l'amour, parfois plusieurs fois. Et puis une année est passée, et toute cette joie s'est estompée. Je les voyais de plus en plus rarement ensemble, je ne les entendais plus, ni rire, ni faire l'amour. Et lorsque je la croisais dans l'ascenseur ou le hall de l'immeuble, je pouvais déceler une certaine tristesse sur son visage. Ce qui, cependant, ne retirait rien à sa beauté.

D'origine maghrébine, Sonia avait la peau bronzée, les cheveux bruns, généralement lissés, des yeux d'un noir profond, souvent mis en valeur par un maquillage, noir également. J'avais du mal à ne pas la regarder quand je la voyais, son corps élancé, ses longues jambes fines, et son derrière, à damner un saint. Sonia était très attirante, et c'était d'autant plus triste de la voir ainsi délaissée. Pour autant, ce n'était pas mes affaires, je les laissais gérer leurs soucis, me contentant de les saluer tous les deux lorsque je les croisais.

Et puis un jour, en fin de matinée, j'ai croisé Sonia en bas de notre immeuble, accroupie par terre, occupée à ramasser ce qui venait de tomber de son sac de courses déchiré. Je lui ai dis bonjour en souriant et me suis baissé pour l'aider. Elle a souri, mais ses traits étaient tirés, les muscles de son visage tendus, et ses yeux vitreux. Visiblement, elle n'allait pas bien, et je ne savais pas comment l'aider autrement qu'en ramassant ses courgettes ou ses aubergines. Alors j'ai porté ses courses. Dans l'ascenseur, on ne s'est pas parlé, mais j'ai vu une larme couler le long de sa joue, qu'elle a rapidement essuyé du revers de la main. Je l'ai accompagnée en silence, jusqu'au pas de sa porte, où je lui ai tendu ses sacs de courses. Elle les a récupérés, et tandis que j'allais tourner les talons, elle m'a dit d'une voix un peu tremblante:

_ Vous... Vous ne voulez pas entrer ?

Il s'agissait là aussi bien d'une invitation courtoise que d'un appel à l'aide. Je ne me voyais pas refuser un appel à l'aide, alors j'ai accepté la proposition. C'est la première fois que je rentrais dans son appartement. En terme d'agencement, il était assez similaire au mien, mais la déco avait un côté plus oriental. Je l'ai suivie jusqu'à la cuisine, où je l'ai aidée à ranger ses courses, en silence. Puis sans me regarder, elle a dit :

_ Je suis désolé pour tout à l'heure, j'ai craqué. J'ai vu que ça vous avait mis mal à l'aise.
_ Non, non, ne vous en faites pas. C'est moi qui suis désolé de vous voir comme ça. Je préfèrerais vous voir pleine de vie, comme avant.

Elle m'a regardé, et a souri. Un sourire sincère, cette fois.

_ Vous voulez prendre un verre ? Je crois que j'aimerais bien un verre, a-t-elle dit.

Il n'était pas encore midi. Mais je n'ai pas eu le temps de répondre, Sonia ouvrait déjà un placard et en sortait une bouteille de Porto. Je l'ai suivie au salon, et me suis installé avec elle sur le canapé, unique endroit où s'assoir dans la pièce. Elle sirotait son verre, sans rien dire, le regard perdu dans le vague, me souriant par moment lorsqu'elle croisait mon regard. J'ai décidé d'entamer la conversation ?

_ Vous voulez qu'on parle ? Qu'est-ce qui se passe, Sonia ?
_ Vous savez bien ce qui se passe, m'a-t-elle répondu avec un sourire. Je m'ennuie, voilà ce qui se passe. Je n'ai pas de travail, et un mari absent toute la journée. Au boulot, ou chez une maîtresse, je n'en sais rien.
_ Il serait bien idiot...
_ Peut-être, mais en attendant, il n'est pas là. Moi je suis là, je l'attends, à ne rien faire de ma vie...

Sa voix s'est cassée, sa gorge s'est nouée, visiblement, c'était du sérieux. Elle a tenté de se cacher pour essuyer les larmes qui coulaient le long de ses joues, mais cette fois elle pleurait, pour de vrai. Je me suis rapproché d'elle et l'ai prise dans mes bras pour la réconforter.

_ Allez, allez, ça va aller, ne vous en faites pas.

En vrai, je n'en savais rien, et je me demandais plutôt ce que je faisais là. Bien sûr, cette soudaine proximité avec le corps de Sonia n'était pas pour me déplaire, mais je ne me sentais pas vraiment à ma place. Et si le mari rentrait, là, d'un coup ? Mine de rien, il avait une sacrée carrure, le mari.

_ Vous pouvez m'aider, m'a chuchoté Sonia en sanglotant.
_ Vous aider ? Mais comment je pourrais vous aider ?
_ Faite

L'Extase en une seule langue Où les histoires vivent. Découvrez maintenant