Les séparations

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Je me retourne une dernière fois pour voir Luna sur les rochers, hurlant mon nom.

J'ai repris le chemin de Mediasie le cœur lourd. Les jours deviennent des semaines et me voilà à une journée de marche de la ville portuaire.

Je fais halte dans un vieux temple abandonné, où il ne reste qu'une vieille ermite. En la voyant, je sais qu'elle est presque aussi vieille que les pierres qui l'entourent.

"Viens, jeune femme, il est temps pour toi d'apprendre à te transformer."

Je reste surprise à ces mots. Je retire mes affaires de Furia et lui rends sa liberté. Il vient poser son front contre le mien, je ressens ses pensées et sa peine de me quitter.

"Ma douce Pearl, je serai toujours près de toi, il te suffira de penser à moi et je viendrai."

Sa respiration rapide me rappelle son agitation, alors je le calme d'une dernière caresse. Il se retourne et part au galop vers les profondeurs de la nuit.

"Je me nomme El-Erine, mais tu peux m'appeler Erine. Viens, suis-moi. Nous n'avons pas beaucoup de temps pour ton apprentissage."

Je la suis à l'intérieur du temple. Nous traversons une grande cour avant d'entrer dans une petite pièce où flotte une douce odeur de soupe qui mijote, un supplice pour mon estomac vide.

"Pose tes affaires ici, Pearl."

"Comment savez-vous mon nom ? Je ne vous l'ai pas dit."

"J'ai simplement entendu ton échange avec ton cheval."

Finalement, cela ne me surprend même plus. Je dépose mes affaires sur une petite étagère et m'assieds à la place qu'Erine m'indique.

"Mange, il faut avoir des forces pour pouvoir se métamorphoser en animal."

Sans un mot de plus, je mange avec appétit. Erine m'explique que depuis la nuit des temps, une poignée d'humains est capable de se transformer.

"Il n'y a pas d'incantation à réciter, il suffit simplement de le vouloir. Mais d'abord, tu dois savoir en quel animal tu peux te changer."

Elle dépose devant moi une série de cartes.

"Ferme les yeux. Laisse ta main guider ton regard et choisis trois cartes."

Ma main passe de gauche à droite, je prends une première carte, puis une seconde, et la troisième semble voler jusqu'à ma main avant de se poser sur la table.

J'ouvre les yeux et regarde les trois cartes. La première représente une forêt, la deuxième montre un ciel étoilé sans lune, et sur la troisième, il y a un mot que je ne connais pas : CALLIDE.

Lorsque je prends les trois cartes en main, une force immense me renverse en arrière, et je me retrouve à terre.

Avec une agilité surprenante, je saute sur la table, bondis sur les meubles et me retrouve devant un miroir pour me voir sous la forme d'une renarde.

Avec une agilité surprenante, je saute sur la table, bondis sur les meubles et me retrouve devant un miroir pour me voir sous la forme d'une renarde

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Erine vient derrière moi, elle me caresse. Je reste contre elle un moment, cela fait longtemps que personne ne m'avait apporté autant de chaleur.

Du coin de l'œil, je vois une lame s'approcher de mon dos. Je saute, évite le coup, mais Erine continue de m'attaquer. Malgré son grand âge, la pointe de sa lame frôle ma peau. Je lutte contre elle, et Erine m'encourage à utiliser ma magie pour me défendre.

Pendant plusieurs minutes, nous nous battons, lame contre magie, agilité contre vitesse. La pièce se retrouve complètement sens dessus dessous.

À bout de souffle, Erine pose sa dague et s'assied sur le banc. Je monte sur la table, en face d'elle, et je lui lèche le visage.

Je passe une semaine avec Erine pour perfectionner ma transformation. Je sais que je vais encore devoir m'entraîner beaucoup.

Le soleil se lève doucement sur les ruines. J'ai mon sac sur le dos, prête à rejoindre Mediasie. Erine me serre fortement dans ses bras. Maintenant, je sais qu'être vieux ne signifie pas toujours être fragile : les bleus sur mon corps peuvent en témoigner.

La route est calme juste à la côte. Je longe les falaises jusqu'à apercevoir enfin les fortifications de la ville. Il y a de plus en plus de monde, et des campements se forment ici et là. Je rabats ma capuche sur mes cheveux flamboyants.

Je me présente à la porte principale avec un sauf-conduit qu'Erine m'a donné ce matin avant mon départ. C'est un faux, mais il me permet de rentrer.

Dans cette ville, quartier général de la société secrète des ombres, je me fais discrète pour rejoindre une auberge sur le port.

L'Athénie est réputée pour sa discrétion, étant donné que les plus grandes fortunes et politiciens y séjournent avant de partir pour les autres colonies.

Je prends une chambre avec vue sur le port et cherche à voir si l'Endersar est à quai. C'est le navire des ombres.

Après plusieurs jours d'attente, je le vois enfin mouiller de nuit pour débarquer une armée de soldats des ombres.

Dans un silence parfait, une nuée de porteurs charge le bateau de vivres, d'eau douce et d'autres caisses.

Je profite de cette cohue silencieuse pour monter à bord. Le chemin vers les quartiers du capitaine est désert. Je force la porte et me cache dans la pièce.

Avant l'aube, le navire quitte son mouillage pour rejoindre la haute mer. Le roulis me berce, et je finis par m'endormir sur le lit du capitaine.

Après quelques heures de sommeil, je suis réveillée par le bruit de la clé dans la serrure. Je regarde le capitaine entrer dans la pièce. Il lance son chapeau sur la table.

Il me regarde avec tendresse.

"Je ne m'attendais pas à te revoir à bord, ma belle."

"Tu es la seule personne au monde à qui je confierais ma vie sur un bateau, capitaine Jack, et tu es le seul à pouvoir me conduire là-bas."

"Pourquoi veux-tu retourner dans ce pays maudit ?"

"Il n'est pas mort. Je dois finir ce que j'ai commencé."

"Penses-tu en être capable ? Il t'avait brisée. Tu avais perdu foi en l'humanité. Quand je t'ai trouvée sur le port, tu étais mourante."

"Je l'ai cru mort. Tu m'avais dit qu'il l'était."

"Tu m'avais crue, et tu avais pu te libérer de lui. Nous avions vécu de belles choses, mais tu avais besoin de la terre pour vivre, et moi..."

Je me lève de la couchette, me précipite dans ses bras. Je passe mes mains sur son visage pour essuyer ses larmes.

"Tu as toujours su que, pour nous, la liberté est plus forte que l'amour. Et je dois en finir avec lui si je veux pouvoir vivre libre. Il a déjà essayé de me faire tuer."

PEARL Où les histoires vivent. Découvrez maintenant