Chapitre 4: Un coup dans l'ombre

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La journée de l'apothéose de Claude, mon père par alliance, allait marquer un tournant. Chaque coin de rue était paré de statues dorées, des étendards flottant sous le ciel d'un bleu limpide. Partout, les citoyens affluaient pour célébrer cet événement grandiose, où Claude, l'ancien empereur, serait élevé au rang des dieux. C'était un spectacle imposant, et pourtant, je ne pouvais pas m'empêcher de ressentir une étrange lourdeur.

Je me tenais sur l'estrade impériale, drapé dans ma toge pourpre. Les regards des sénateurs, des dignitaires et des prêtres étaient braqués sur moi pendant que je donnais le ton de la cérémonie. Je pris une profonde inspiration, laissant le silence s'installer, puis je me levai pour prendre la parole.

Citoyens de Rome, commençai-je d'une voix forte. Nous nous réunissons aujourd'hui pour rendre hommage à l'un des plus grands empereurs que Rome ait connus. Claude, en qui l'humanité et la sagesse étaient si profondément ancrées, a porté le destin de l'Empire sur ses épaules avec une loyauté sans faille. Il nous a laissés trop tôt, mais son esprit continuera de nous guider. Nous pleurons sa mort, oui, mais aujourd'hui, nous célébrons également sa grandeur, son élévation parmi les dieux. Rome se souviendra de lui, non seulement comme un empereur, mais comme un père bienveillant pour nous tous.

Je marquai une pause, regardant les visages attentifs devant moi.

Que la mémoire de Claude, et sa divinisation, soient à jamais gravées dans les pierres et les cœurs de cette grande cité. En son honneur, j'ouvre ces festivités pour que nous puissions ensemble saluer sa grandeur éternelle.

La foule acclama en réponse, et d'un geste solennel, j'invitai les prêtres à poursuivre les rituels sacrés qui guideraient l'âme de Claude vers les cieux.

Octavie, la sœur ainée de Britannicus se tenait près d'Agrippine, droite et silencieuse, dans sa robe de deuil. Sa posture était impeccable, presque rigide. Agrippine, plus proche de l'estrade, gardait une main légère sur l'épaule d'Octavie, un geste qui semblait destiné à rappeler leur lien.

Ma mère m'observait, le visage figé dans une expression de froide indifférence. Elle n'avait jamais voulu que cette cérémonie soit aussi somptueuse. "C'est une folie", avait-elle dit. "Claude n'a pas besoin de tout ce faste." Elle pensait que les dépenses pour cet événement étaient inutiles, que Rome ne réclamait pas de tels excès. Mais moi, je voyais les choses différemment. Ce n'était pas seulement une apothéose, c'était une déclaration. J'avais besoin de montrer que je pouvais honorer la mémoire de Claude tout en affirmant mon propre pouvoir. Rome devait savoir que c'était moi, Lucius, qui détenais le sceptre et pas ma mère.

Derrière ce masque d'assurance, je savais que chaque geste que je faisais, chaque décision que je prenais, serait jugée. Je n'étais pas prêt à céder à la prudence calculatrice de ma mère. Pas aujourd'hui.

À mes côtés, mon frère Britannicus était d'une pâleur effrayante. Son regard restait fixé sur la procession en contrebas, mais je savais que son esprit était ailleurs. Depuis la mort de Claude, Britannicus semblait plus fragile, brisé. J'avais essayé de le soutenir du mieux que je pouvais, mais je sentais qu'il se perdait dans son chagrin. Il ne disait rien, mais ses yeux, rougis par les larmes qu'il tentait de contenir, parlaient pour lui.

Je me tournai légèrement vers lui et posai une main sur son épaule, une tentative maladroite pour lui offrir du réconfort.

Tu n'as pas à porter tout cela seul, Britannicus, murmurai-je doucement.

Il hocha la tête, mais il était clair qu'il était loin de moi, perdu dans son deuil. Je pouvais comprendre son silence, mais cela me pesait. Moi aussi, j'avais besoin de lui. Nous avions besoin l'un de l'autre. 

L'héritier DomitiusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant