13 Octobre 54
Les pavés froids du palais résonnaient sous nos pas précipités alors que Britannicus et moi arrivions enfin sous l'arche massive de l'entrée. Une agitation inhabituelle planait dans l'air, une sorte de fébrilité nerveuse que même les murs épais ne parvenaient pas à étouffer. Cairn, mon ami et esclave fidèle, se tenait à l'ombre de l'arcade. Son visage, habituellement calme et impassible, portait cette fois une expression tendue, presque angoissée.
- Sir, murmura-t-il d'une voix sourde. Vous ne devriez pas être ici.
Il parlait calmement, mais l'urgence dans sa voix était palpable. Britannicus s'avança d'un pas, prêt à répliquer, mais Cairn posa une main légère sur son bras pour le retenir. Ce geste fugace, reflétait la nervosité qui s'était emparée de tous ceux qui avaient déjà connaissance des nouvelles.
- Cairn, tu es mon ami, pas mon gardien, répondit Britannicus avec un sourire forcé, essayant de dissimuler son inquiétude derrière une façade de légèreté. Que se passe-t-il ?
Cairn hésita un instant, ses yeux sombres cherchant les miens. Je pouvais lire la peur dans son regard, une peur qu'il s'efforçait de maîtriser. Enfin, il se décida à parler.
- L'empereur Claude est très malade, maître Lucius. Les médecins disent qu'il ne passera peut-être pas la nuit. Les nouvelles courent vite dans le palais... et l'impératrice Agrippine a déjà convoqué les sénateurs les plus influents.
Un silence lourd suivit ses paroles. L'annonce me frappa comme un coup de tonnerre. Claude, malade ? Si proche de la mort ? Malgré nos différences et la distance qui s'était installée entre nous, il était mon oncle par alliance, et son absence imminente créait un vide effrayant. Britannicus semblait figé, son visage déjà pâle encore plus blême sous l'effet du choc.
- Et ma mère ? demandai-je, d'une voix rauque, sentant une angoisse sourde monter en moi.
- Elle est à ses côtés, veillant avec ses dames de compagnie. Mais elle ne pense qu'à une chose : garantir sa propre position... et la vôtre, Lucius.
Je serrai les poings. Agrippine... ma mère. Toujours calculatrice, toujours en train de manœuvrer pour renforcer son pouvoir. J'avais toujours ressenti un mélange complexe de crainte et de ressentiment à son égard. Elle n'avait jamais été une mère aimante, mais plutôt une stratège redoutable, froide et distante. Le fait qu'elle voie en moi un outil pour ses ambitions ne faisait qu'attiser ma rancœur.
Britannicus, secouant enfin sa torpeur, murmura :
- Que devons-nous faire ? Si mon père meurt... que deviendrons-nous ?
Sa voix trahissait une peur enfantine, mais aussi une lucidité surprenante. Il savait, tout comme moi, que l'avenir s'annonçait incertain et dangereux. Je posai une main sur son épaule, une tentative maladroite de le rassurer.
- Pour l'instant, restons calmes, répondis-je, essayant de masquer ma propre inquiétude. Nous devons voir ce qu'il adviendra... Et nous préparer, quoi qu'il arrive.
À ce moment-là, Cornelius, un autre esclave de confiance qui m'avait souvent accompagné dans mes promenades nocturnes, apparut à l'autre bout du couloir. Il courait vers nous, ses pieds frappant le sol avec une urgence que je n'avais jamais vue chez lui. Son visage, habituellement détendu, était déformé par l'inquiétude. Lorsqu'il atteignit notre niveau, il s'arrêta brusquement, plié en deux, haletant.
- Cornelius, toi aussi ? Que se passe-t-il ? - demandai-je, sentant une boule d'angoisse se former dans ma gorge.
Cornelius leva une main pour me signaler qu'il avait besoin d'un moment pour reprendre son souffle. Il essuya la sueur sur son front d'un revers tremblant de la main, puis échangea un regard rapide avec Cairn. Cette complicité silencieuse entre eux n'était pas habituelle, et elle ne fit qu'augmenter ma nervosité.
VOUS LISEZ
L'héritier Domitius
Ficción históricaQui dit vrai ? Qui ment ? Choisissez votre camp... Lucius Domitius Ahenobarbus dit Néron, fils d'Agrippine la Jeune et de Gnaeus Domitius Ahenobarbus... L'histoire l'a décrit comme un personnage sanguinaire, assoiffé d'atrocités et d'horreurs. Certa...