Chapitre 5 : Ceux qui vont mourir te saluent

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Le jour pointait à peine sur la capitale. Le bruit des cors acheva de réveiller la ville, déjà sur pieds. Rome était en effervescence. Les chants de guerriers fusaient de toutes parts et les airs de victoire emplissaient l'atmosphère. Dans la faible lueur du jour, un homme monté sur un cheval blanc tranchait avec le décor. À sa suite, une foule innombrable d'hérauts, de gladiateurs et d'hommes de lutte précédait le peuple en délire. Des banderoles tapissaient le sol de pourpre. L'empereur, monté sur son fier destrier, ouvrait la marche vers des jeux qui s'annonçaient grandioses. À l'horizon, l'imposant Colisée se dressait, majestueux. La structure colossale semblait défier le ciel. Ses murs en travertin, marbrés de la lumière dorée du matin, brillaient d'une austère splendeur. L'édifice, un cercle parfait, envoûtait par ses proportions.

Les gardes prétoriens se tenaient à l'entrée de l'immense bâtisse. Au passage de l'empereur, ils s'inclinèrent en signe de respect. Lucius leur rendit leur salut d'un signe de tête. L'un deux, un certain Nymphidius, s'arrêta à la hauteur du souverain pour l'aider à descendre de sa monture. Lucius se retira et laissa le peuple prendre place. D'un pas vif, il emprunta l'étroit couloir qui menait à l'estrade. Comme prévu, l'antre du souverain était vide.

L'empereur, debout, observait les gradins.

Soudain, une ombre se détacha des piliers. Agile comme un félin, elle se glissa derrière le monarque, et d'un geste souple, posa un genou à terre.

Altesse, murmura l'homme, d'une voix sourde.

Lucius ne bougea pas. Ses bras restaient croisés dans son dos, sa posture, figée.

Qu'as-tu appris ? demanda-t-il d'un ton ferme.

— L'homme qui s'en est pris à vous... Il était un envoyé du général parthe. Ce dernier fomente une attaque en Arménie, répondit l'ombre d'un souffle respectueux.

Lucius plissa les yeux, son esprit absorbant chaque mot. Il murmura, presque pour lui-même :

Les Parthes...

Son ton pensif, laissait deviner des pensées qui s'enchaînaient à une vitesse vertigineuse.

Le prisonnier ? demanda-t-il sans détourner le regard.

L'ombre hésita un instant avant de répondre :

Les gardes prennent plaisir à le torturer, mais sans grand succès. Il ne cédera pas, Altesse.

Un sourire imperceptible effleura les lèvres de Lucius, un sourire qui n'atteignit pas ses yeux. Il pivota légèrement, et observa Cornelius agenouillée dans l'ombre.

Ne cédera-t-il pas ?... Tout homme a ses limites, murmura l'empereur. Il suffit de trouver le bon levier.

Il fit une pause, ses yeux se détournant enfin des gradins pour se poser sur son ami. 

Convoque le bourreau. Je veux que ce prisonnier chante d'ici la tombée de la nuit. Sinon, qu'il meure en criant.

Cornelius s'inclina.

À vos ordres, Altesse.

Cornelius fit mine de se retirer. Le garde d'entrée s'était déplacé. C'était le moment.

Il revint sur ses pas et fit un pas vers l'empereur.

Nous nous connaissons depuis trop longtemps pour que je me cache derrière des titres et des convenances, dit-il avec un léger sourire. Nous avons partagé bien trop de choses.

Lucius tourna légèrement la tête vers lui, une lueur de curiosité dans le regard, mais il ne dit rien, l'invitant silencieusement à continuer.

Cette situation en Arménie, reprit Cornelius, ce n'est pas seulement une question de guerre, de territoires. Je ne peux m'empêcher de penser que certains ici, à Rome, sont déjà au courant. Agrippine, Burrus... et peut-être même Sénèque. Ils ne t'ont rien dit, bien sûr. Ils attendent leur moment.

L'héritier DomitiusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant