Chapitre 1 - Partie 4

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Ils furent vêtus de leurs habits d'apparat pour le petit-déjeuner rituel en famille. Domos redoutait ce moment. Les membres de la famille royale dégageaient une aura sombre et menaçante, comme une ombre qui planait au-dessus d'eux. Il n'avait pas besoin d'être devin pour percevoir les secrets inavoués et la jalousie viscérale qui tissaient leurs liens de sang. Les repas étaient les seuls instants où il lui fallait partager une proximité plus accentuée, avec le noble.

— Par les dieux, vous êtes magnifique, souffla la petite servante, presque éberluée.

Domos observa son propre reflet dans la grande glace devant lui. Il ne s'était jamais senti aussi exposé, aussi vulnérable. Ses lourds manteaux de fourrure lui manquaient cruellement. La toge qu'on lui avait fait enfiler était d'un tissu si fin, si diaphane, qu'elle semblait se confondre avec sa peau, épousant chaque contour de son corps avec une indécence déconcertante. On pouvait presque deviner les petits boutons de chair de ses mamelons à travers l'étoffe légère. Ses cuisses puissantes, à peine dissimulées, s'échappaient parfois de la fente audacieuse qui purgerait le tissu à chacun de ses mouvements.

Dans ses cheveux, ses longs cheveux blonds, ondulés et soyeux, qui coulaient jusqu'à la naissance de ses hanches, des perles avaient été tressées, ajoutant une touche de sophistication à sa sauvage allure. Il avait cédé à la proposition de la jeune servante, plus pour lui faire plaisir que par réelle envie. Son sourire innocent ravivait en lui des souvenirs de tendresse et de nostalgie, des jours où la simplicité et la sincérité régnaient encore dans sa vie. Une touche de rouge avait été appliquée sur ses lèvres pulpeuses, les faisant briller d'un éclat qui aurait fait flancher le plus austère des moines.

Domos n'aimait pas l'homme qu'il voyait dans le miroir. Ce n'était pas lui. Ce reflet, cette image embellie et enjolivée, était le symbole de toute cette imposture qu'il vivait désormais. Il se voyait déguisé, apprêté comme un pantin, tandis que les siens, loin là-bas, souffraient dans le froid mordant, manquant de tout, peinant à trouver de quoi se nourrir sans bras valides pour chasser.

— Qu'il se dépêche, s'énerva Irusphène, déjà prêt à l'extérieur de la pièce, attendant leur entrée dans la salle de banquet familial.

Domos le rejoignit, se postant à ses côtés. Il sentit le prince se raidir, un silence lourd s'installa, pesant, presque palpable. Instinctivement, il leva la tête vers son époux et croisa son regard bleu, dévorant et avide. Irusphène le fixait avec une intensité qui le troubla. Pour un instant fugace, une flamme d'envie passa dans les yeux du prince, laissant Domos incertain quant à ce qu'il avait réellement perçu.

Domos rougit malgré lui. Ils étaient bien trop proches, leurs épaules presque en contact. Le regard d'Irusphène lui rappelait les mers glaciales de son pays natal, impitoyables et insondables. Le visage du prince, portait les marques d'une virilité brute ; sa mâchoire carrée et ses pommettes saillantes conféraient à ses traits une dureté adoucie seulement par les taches de rousseur qui constellaient son nez. Les boucles brunes, d'ordinaire indisciplinées, avaient été soigneusement coiffées, dévoilant la perfection de son visage.

Leurs yeux se rencontrèrent, un instant intense où ni l'un ni l'autre ne baissa le regard. Puis, un serviteur s'approcha discrètement, rappelant leur devoir de se présenter dans la salle de banquet. L'échange, bien que bref, avait troublé Domos plus qu'il ne voulait l'admettre.

Le protocole de Méridien imposait une certaine rigidité à chaque mouvement, à chaque parole échangée, et cela agaçait souvent même les membres de la famille royale. Les grandes fenêtres colorées de la salle de banquet laissaient entrer une lumière douce et tamisée qui baignait l'espace d'une atmosphère presque sainte. Une immense table de bois massif, ornée de broderies dorées, accueillait un somptueux festin : miel doré, beignets encore chauds, gâteaux aux amandes, et fruits exotiques trônaient sur des plateaux d'argent. Une ligne de serviteurs en livrée impeccablement repassée se tenait prête à répondre à la moindre demande, tandis que des gardes, lances à la main, étaient postés autour de la salle, toujours vigilants.

Danse du destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant