Chapitre 3 : un retour inattendu

11 4 0
                                    

arriva à la maison familiale tard dans la nuit. Le bâtiment se dressait, toujours aussi imposant, mais marqué par les ravages du temps. Les fenêtres semblaient être des yeux vides qui scrutaient la nuit, et les murs portaient les cicatrices d’années d’abandon. Louis sentit un frisson parcourir son échine lorsqu’il entra. Tout ici semblait trop familier, comme si le temps s’était arrêté depuis qu’il était parti.

Sophie l’attendait dans le salon, le visage marqué par l’inquiétude. « Louis, qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi tu as l’air si effrayé ? » demanda-t-elle.

Louis prit une grande inspiration et commença à lui raconter tout ce qu’il avait vécu enfant, la présence d’Étienne, l’armoire maudite, le rituel avec son propre sang pour sceller l’esprit. Sophie écoutait, incrédule d’abord, mais le sérieux de Louis et la peur palpable dans sa voix la convainquirent que ce qu’il disait n’était pas à prendre à la légère.

« Alors, qu’est-ce qu’on fait maintenant ? » demanda-t-elle, un peu perdue.

« On doit voir si l’armoire est encore scellée », répondit Louis avec une résignation dans la voix. « Et si ce n’est pas le cas… On devra trouver un moyen de refermer ce passage pour de bon. »

Ils montèrent ensemble à l’étage, chaque marche grinçant sous leur poids, comme si la maison elle-même retenait son souffle. Lorsqu’ils atteignirent la porte de l’ancienne chambre de Louis, il sentit une onde de froid l’envahir. Tout ici semblait inchangé, comme s’il n’était jamais parti. Mais l’armoire, cette fois-ci, émanait une présence plus intense, presque vivante.

Louis s’approcha avec précaution, son cœur battant à tout rompre. La porte de l’armoire était légèrement entrebâillée, une fissure à peine visible dans l’obscurité de la pièce. Il posa une main tremblante sur la poignée et, dans un effort pour contenir la panique, il ouvrit lentement la porte.

À l’intérieur, tout semblait normal. Les vêtements pendaient sagement, la poussière recouvrait les étagères. Mais quelque chose clochait. Louis s’approcha davantage et, avec une sensation de vertige, il remarqua les mêmes griffures profondes qu’il avait vues des années auparavant, mais elles semblaient plus récentes, comme si elles avaient été faites récemment.

« Étienne… » murmura-t-il, une sueur froide perlant sur son front.

Soudain, la température de la pièce chuta brutalement. Un souffle glacé sortit de l’armoire, comme si elle respirait. Louis recula, tirant Sophie avec lui, mais il était déjà trop tard. La lumière vacilla, et l’obscurité envahit la pièce. Des voix s’élevèrent du fond de l’armoire, des murmures indistincts, mais empreints de malice.

Puis, au milieu de ce chaos, une forme commença à se matérialiser. Étienne apparut, mais il était différent de ce qu’il avait été autrefois. Son corps n’était plus seulement fantomatique ; il avait gagné en substance, en force. Ses yeux, toujours aussi vides, étaient maintenant deux puits noirs où tourbillonnaient des ténèbres insondables. Et ce sourire… ce sourire déformé qui promettait une fin terrible.

« Tu pensais m’avoir scellé pour toujours, Louis ? » chuchota-t-il d’une voix froide et coupante. « Mais tu as échoué. J’ai attendu, patienté, et maintenant je suis de retour. Et cette fois, tu ne t'échapperas pas. »

Louis savait qu’il ne pouvait pas fuir. Pas cette fois. Il devait trouver un moyen de sceller Étienne de façon permanente, mais comment ? Il se souvint alors des légendes, de ce que son grand-père lui avait dit, des histoires oubliées de rituels anciens. Le sang avait scellé l’armoire, mais il faudrait plus que cela pour fermer à jamais ce portail entre les mondes.

« Sophie, je vais avoir besoin de ton aide », murmura-t-il, sans quitter Étienne des yeux.

Ils descendirent en hâte au sous-sol, fouillant parmi les objets hérités de leur grand-père. Au fond d’une vieille malle, Louis trouva un vieux livre en cuir, aux pages jaunies et au titre effacé par le temps. C’était un grimoire ancien, rempli de rituels et d’incantations oubliés. Il n’avait jamais prêté attention à ce livre, mais maintenant, il représentait leur dernier espoir.

Les pages étaient difficiles à déchiffrer, écrites dans une langue ancienne que Louis ne comprenait que partiellement grâce aux enseignements de son grand-père. Mais un passage attira son attention, un rituel destiné à sceller définitivement un esprit dans le monde des ombres. Le texte parlait d’un cercle de protection, d’herbes sacrées, et de sang, non pas pour enfermer, mais pour exorciser et bannir définitivement.

Sophie, bien que terrifiée, se mit immédiatement au travail, aidant Louis à rassembler les ingrédients nécessaires. Ils tracèrent un cercle de sel autour de l’armoire, en utilisant des herbes trouvées dans le jardin, celles que leur grand-mère utilisait autrefois pour des rituels de purification. Le tout devait être accompli avant l’aube, alors que la frontière entre les mondes serait la plus mince.

Étienne, toujours présent dans la chambre, les observait en silence, son sourire grandissant à mesure que le rituel avançait. « Vous pensez pouvoir me renvoyer ? » dit-il avec un éclat de rire glacial. « Vous ne comprenez pas, n’est-ce pas ? Cette maison est à moi, et bientôt… vous aussi. »

Louis, luttant contre sa peur, commença l’incantation. Les mots, anciens et puissants, résonnèrent dans l’air, tandis que Sophie, en silence, mélangeait les herbes sacrées avec un peu de son propre sang, suivant les instructions du grimoire. La pièce se mit à trembler, comme si les murs eux-mêmes rejetaient le rituel.

Mais Étienne, sentant que la situation tournait contre lui, se mit à agir. Il tendit la main vers Sophie, tentant de la distraire, de l’effrayer pour qu’elle rompe le cercle. Un vent violent se leva, faisant vaciller les bougies qui éclairaient la scène. Louis redoubla d’efforts, répétai les mots du rituel.
Le vent dans la chambre se renforça, violent, fouettant les murs et projetant des ombres tordues contre le sol. La lumière des bougies vacillait dangereusement, et Étienne, sentant la pression du rituel se resserrer autour de lui, passa à l’attaque. Sa silhouette se dissociait et se reconstituait sans cesse, comme un amas de ténèbres luttant pour se maintenir dans cette réalité.

Les mots de Louis, récités avec une concentration désespérée, résonnaient à peine au-dessus du vacarme. L’armoire tremblait de plus en plus, et l’air dans la pièce devint si froid que chaque respiration semblait brûler leurs poumons. Sophie, accroupie au sol, mélangeait les herbes, le regard fixé sur la fine coupe en métal où elle devait verser son sang.

Étienne, dont les yeux brillants de noirceur fixaient Sophie, s’approcha. Il savait que briser sa concentration pourrait anéantir tous leurs efforts. Il glissa vers elle, ses mouvements fluides, sinistres, son sourire s’élargissant. La température chutait encore plus autour d’elle, et un mince filet de glace se forma sur le sol. Sophie tremblait, mais elle gardait son calme, guidée par les instructions du grimoire.

« Tu crois que tu es plus forte que moi ? » siffla Étienne. « Tu n’es qu’une mortelle… faible et inutile. »

Louis sentit l’air se densifier autour de lui, comme si Étienne essayait d’absorber l’énergie du rituel pour l’affaiblir. Il était évident que le fantôme utilisait la peur comme une arme, une peur qui pouvait fissurer la détermination de Sophie et de Louis à tout moment. Les flammes des bougies faiblissaient, et l’obscurité se resserrait, oppressante.

Mais Louis refusait de céder. Il accéléra son incantation, sa voix se faisant plus forte, et son regard se posa sur Sophie. Il savait qu’elle était à deux doigts de perdre pied, que la présence d’Étienne se faisait insupportable pour elle.

« Sophie, reste avec moi ! » cria Louis. « Ne laisse pas Étienne t’atteindre. Tu es plus forte que lui. »

Les paroles de Louis semblèrent la réveiller de sa torpeur glacée. Sophie serra les poings, ignorant le froid et la terreur qui lui tordaient les entrailles. D’un geste décidé, elle s’entailla la paume et laissa couler son sang dans la coupe d’herbes. Instantanément, une vapeur épaisse et parfumée s’éleva du mélange. L’air dans la pièce changea, devenant plus dense, presque palpable.

Étienne poussa un cri strident. Son sourire s’effaça brusquement, remplacé par une rage pure. Ses yeux noirs scintillèrent d’une lueur de haine. Le rituel fonctionnait, et il le sentait. Il ne lui restait plus beaucoup de temps pour agir.

« Louis ! Il vient pour toi ! » hurla Sophie, le cœur battant à tout rompre.

Louis ne put réagir à temps. Étienne, dans un dernier accès de fureur, fondit sur lui comme une ombre malfaisante. Louis sentit un froid mordant l’envahir, comme si ses os se glaçaient de l’intérieur. Il fut projeté au sol, sa respiration coupée, incapable de bouger. Des éclairs de douleur traversaient son corps, et pour la première fois depuis le début de cette nuit infernale, il se sentit vulnérable, prêt à succomber.

L'enfant caché derrière l'armoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant