« Arrêtes toi Cœur ! Nous sommes tous exténués, arrêtons nous pour la nuit ! Rivage qui essayait de cacher le reproche qui perçait dans son ton, n'y parvint pas. Je savais pertinemment que mes amis avaient atteint leurs limites, il faut dire que je ne les avais pas franchement ménagés... J'aurais pu continuer seul, ils l'auraient mal pris. Et l'aventure est mieux quand on n'est accompagné de ses amis, n'est-ce pas ?
- D'accord, trouvons un abri pour passer la nuit. Nous irons ensuite chasser...
Ils essayèrent d'être discrets, mais j'entendis quand même des exclamations de joie et de soulagement. Moineau, qui était parti en éclaireuse avec Rivière, revint vers nous avec un petit air ravi sur le visage. Evidemment, elle avait entendu toute notre conversation et avait immédiatement repéré l'endroit idéal.
-J'ai trouvé un endroit pour passer la nuit, venez voir, viiite !!! »
Son enthousiasme était très contagieux et nous courions maintenant, à toute allure derrière elle. Quand tout à coup, nous débouchâmes sur une petite clairière, elle était bordée de dizaine d'arbres, tantôt des châtaigniers et des bouleaux, parfois des hêtres et des noyers. Elle était aussi recouverte de longues et belles fougères bougeant au gré du vent. Au milieu de cette trouée, se tenait un arbre immense, il faisait au moins 10 fois ma taille et cinq loups de largeur. A ses pieds coulait un petit ruisseau, traversant de part en part la clairière. L'arbre avait des feuilles magnifiques, le soleil s'y reflétait, donnant l'impression que les feuilles étaient dorées. Le soleil couchant jetait un voile orangé sur la clairière, les cigales se mirent alors à chanter accompagnées des violons et quelques souris pointèrent le bout de leur museau, blanc et gris. Les mésanges et autres oiseaux, multicolores prirent alors leurs envols, comme synchronisés.
« He bien les amis, je crois que nous n'allons pas manquer de nourriture ! M'exclamai-je.
Et puis cet arbre ferait un parfait endroit pour s'abriter cette nuit, même si je n'avais pas l'intention de dormir.
-Bon, eh bien je vais commencer à chasser. lança Rivage.
-Attends moi j'arrive, je ne vais pas te laisser t'amuser toute seule, crois-moi !!! Lui répondit Moineau et elles s'élancèrent toute deux vers la partie gauche de la clairière.
-Moi aussi, et je prends la partie ouest de la clairière. Vous prenez celle sud les garçons, et tachez de ne pas vous disputez cette fois ! Rendez-vous au pied de l'arbre avec le maximum de prises, sans trop abuser, compris ?
-Oui ne t'inquiète pas Cœur d'argent. » répondit Arcade, d'un air si ridiculement sérieux que je ne pus retenir mes rires. Quand a Plume forte, il me répondit qu'ils feraient de leurs mieux et que les relations s'étaient beaucoup améliorées entre eux deux. Je partis en courant vers la partie ouest, comme je l'avais dit. Je m'arrêtais à côté d'un bouleau un peu mal en point et je levais ma gueule pointue vers le ciel à l'affut d'une odeur de souris. Hors de question de tuer un oiseau tandis que Rivière serait là, ça pourrait lui briser le cœur. Soudain une odeur douce et musquée effleura mon odorat... musaraigne ? La minuscule souris se trouvait au milieu des fougères, inconsciente du danger. Elle était en train de grignoter deux grains de blé, qu'elle avait sans doute trouvé chez les bipèdes. Sans bruit je me dirige alors sur elle, le vent va dans le sens contraire, parfait, je veillais à ne pas marcher sur une branche morte, ce qui m'aurait immédiatement trahit. A trois pas d'elle, je pris mon élan, lui sauta dessus et lui brisa la nuque avant qu'elle n'est pu crier. Je continuais comme ça et attrapais : deux lapins, six souris et deux musaraignes de plus ce qui faisait huit souris, au total. Je fus la deuxième au pied de l'arbre, devancé de peu de Moineau, qui elle avait attrapé deux souris et plus étonnant, un sanglier ! Plume débarqua alors, chargé de quatre souris et un lapin. En découvrant le sanglier, il en resta bouche bée. Arriva après lui Arcade, n'ayant trouvé que trois misérables petites souris ; mais il avait aussi, apparemment trouvé des graines pour Rivière. Rivage arriva la dernière en trainant un renard derrière elle, ce qui lui valut les compliments des deux garçons. Ce soir-là ce fut un véritable festin pour nous tous, y compris pour Rivière, qui se régala des graines rapportées par Arcade. Puis, tous s'endormirent. Quand je fus certaine qu'ils dormaient tous profondément, je partis faire une ronde en suivant le cours du ruisseau. Je pensais à mon père, je voyais encore son air doux quand il me complimentait sur une technique de chasse ou encore son expression de colère quand je faisais une bêtise. Il me manquait lui, ainsi que ma mère et mes frère et sœurs...Heureusement que mes amis étaient là. Quand ma ronde improvisée fut fini, je m'allongeai dans les hautes fougères et je me mis à observer les étoiles, brillantes et magnifiques dans le ciel noir. Ces étoiles donnaient l'impression d'éclairer le ciel de petits points, qui en réalité devaient être énormes, lumineux et plein de vie, comme une contradiction... Les fougères s'agitaient devant mon museau et me chatouillaient agréablement le dos ; le vent ébouriffa soudain ma fourrure plus noire et brillante que la nuit. Je sentis le goût délicieux de la fraicheur et, plus important encore, celui de la liberté ; cette sensation d'indépendance, de n'être commandé par personne, de pouvoir tout faire librement, de choisir et d'assumer, seul, ses choix. Je l'avais toujours ressenti... mais là... c'était beaucoup, beaucoup plus fort que d'habitude et plus intense aussi ; je goûtais, pour la première fois, au vrai goût de la liberté...Ce fut un des plus beaux moments de ma vie, la rendant plus légère et moins compliquée, plus vivable. Mais ce bonheur éclatant comme le soleil se couvrit de nuages quand je repensai à ma famille, dissoute. Ça me faisait mal, j'avais l'impression de les avoir trahis. En les laissant seul face à la tribu, je m'étais comportée comme une lâche, ce qui n'était pas du tout mon genre. Et puis, j'aurais pu un peu plus me préoccuper de la disparition suspecte de mon père. Ils avaient pris soin de moi, m'avaient fait confiance, complimenté, aidé quel que soit les conditions et moi, je m'étais sauvé au moment où ils avaient le plus besoin de moi. Mais que j'étais stupide, et par-dessus tout égoïste et lâche. Je ravalais mes larmes. Je n'avais jamais pleuré, c'était nouveau pour moi et surtout très, très douloureux. J'étais mélancolique et pour me distraire de mes pensées je me mis en quête de gibier. Quand j'eu attrapé quatre malheureuses souris qui se trouvaient sur mon chemin, je me mis alors à observer un châtaignier en fleur. Puis, je me mis à grimper le long de son tronc, sur son écorce rêche et humide. J'atteignis la première branche assez rapidement, les autres branches furent franchies à la vitesse de l'éclair. Quand j'atteignis enfin la dernière branche susceptible de supporter mon poids, je m'arrêtais et m'accordais un moment pour penser à mes rêves impossibles et brisés, de penser à mes amis si tranquille et confiants. Ils me faisaient confiance et je n'étais plus sûr de pouvoir mener à bien notre quête. Je ne méritais pas leur confiance, pourtant je devais absolument continuer pour moi, pour mes amis, pour ma mère, pour mes frère et sœurs, pour mon père : je le leur devais. Et surtout, je devais regagner ma confiance en moi. Car mon plus grand ennemi n'était visible que par moi, il n'était pas possible de le blesser avec mes griffes ou mes crocs. Mon pire ennemi était et serait toujours en moi. C'était mon manque de confiance en moi, ma colère, ma tristesse, ma haine, mes larmes et ma lâcheté qui formaient mon ennemi intérieur. Celui que je combattais depuis le début, sans en avoir conscience. Aujourd'hui, cet ennemi me rongeait de l'intérieur, il obscurcissait mon cerveau, contractait mes muscles et noircissait mon âme. Je n'avais aucun moyen de le combattre et la douleur de la trahison et celle du rejet, n'arrangeait pas les choses. Elle les empirait au point où ma vue se brouillât de larmes ; des larmes de douleur et de tristesse, que je ravalais depuis bien trop longtemps, maintenant. Le ciel me paraissait plus sombre, moins brillant. Je souffrais horriblement, pas de blessures extérieures mais intérieures, ce qui était, il faut le dire, beaucoup, beaucoup plus douloureux. J'étais brisée et j'errais telle une épave sur l'océan de mes sentiments : la colère envers la tribu, la tristesse pour ma famille. Une corde solide me retenait pourtant à l'amour que me portait mes amis, ma mère, mes jeunes frères et sœurs, et certainement mon père. En leur compagnie, je me sentais bien, merveilleusement bien. C'était à peine le début de mon aventure et j'avais déjà goûté à l'arrière-goût amer de la vie, je me rendais compte qu'elle avait plusieurs visages. Alors je sautais souplement sur la terre souple et sèche ; je reçus une goutte sur l'oreille droite puis au bout du nez, il se mit alors à pleuvoir telles mes larmes coulant en torrent intarissable. Je couru pour oublier, oublier, tout oublier... Je ne réussis pas et je fus contrainte de revenir sur mes pas. Alors je levais ma gueule, pointue et fine vers le ciel étoilé et hurlais ma tristesse et ma colère à la lune. Je découvrais, pour la première fois, l'amer goût de la douleur. Je lançais un nouveau cri déchirant et empli de mille douleurs.

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Le passage
ActionC'est l'histoire de deux jeunes protagonistes vivant dans des mondes différents, ce qui les relient? Leurs rêves. elles se retrouvent dans leurs rêves. Pourquoi? Comment? aucunes idées. c'est assez compliqué d'expliquer ce que raconte cette ébauche...