La Ménagerie du Roi

Chapitre 4

Armand a comme cessé d'exister aux yeux du monde depuis de nombreuses années. Un jour, il a convulsé sous l'effet de la magie. À son réveil, il avait dû lutter pour s'extirper d'un cocon, au sein du Petit Palais. Il a grandi dans la faim, la pauvreté, et cinq autres frères et sœurs. Depuis, il ne peut plus vivre sous le soleil, il est coincé au creux de la nuit. Il doit y évoluer.

Au début, il en avait été si triste. Il avait toujours été un enfant qui adorait sortir, jouer dans la boue, dans l'eau de la rivière dans laquelle sa mère lavait le linge. Il se souvenait de la douceur du soleil sur son visage. De la brise qui décoiffait sa chevelure joyeusement. Cela faisait parti d'une époque révolue. Le jour où la magie l'enferma loin du monde, ses parents n'ont pas tarder à contacter leur marquis. Leur premier réflexe avait été de le vendre. Après tout, ils avaient d'autres bouches à nourrir et de toute façon, les sorciers sont habituellement tuer très rapidement. De cette façon cependant, ils pourraient tirer une bourse d'or. Encore aujourd'hui, Armand ignore si cela leur a été réellement profitable.

Il aime à imaginer qu'ils sont morts de faim, ou attaqués par la cruauté et la jalousie des autres villageois. Il trouverait la punition divine bien trouvée et adéquate.

Il vit depuis son éclosion ici. Beaucoup appellent ce passage « La Nouvelle Naissance ». La personne en question se ferait contaminé par une forme rare de magie. Elle grandit en lui jusqu'à la formation du cocon. Par ailleurs, rares sont ceux qui survivent à l'éclosion. Après cela, on appelle la créature « Sorcier », la bête qui danse sous la Lune. Celui qui danse avec la magie. Ils sont différents des mages, qui manient une science précise. Eux, ils sont leur pendant sauvage, un espèce de cruel animal qui, s'il le pouvait, dévorerait les enfants pour assouvir ses instincts.

Depuis toutes ces années, Armand s'est bien rendu compte de la fausseté de ces rumeurs. Il n'est pas beaucoup plus différent qu'autrefois. Sa magie coule dans ses veines, comme une sorte de sang spécial. Il peut l'utiliser, former des sorts. Néanmoins, il est complètement castré par un collier que le Roi lui a posé. Il ne la sent plus qui coule dans son corps et est d'autant plus incapable de se lancer dans le moindre rituel.

Il errait comme une âme en peine dans les couloirs du Petit Palais une fois la nuit tombée. Victoria passait de temps en temps lui tenir compagnie. Ou bien Henri, quand ce dernier se retrouvait capable de prendre possession du corps qu'il partageait avec ses frères. En le voyant, il avait quand même prit conscience de son privilège. Personne ne terrassait son corps, il contrôlait ses bras et ses jambes. Au fil du temps, il ne se cachait pas de préférer Henri à ses frères. Ils se comprenaient. Son ami se mettait à sa place, lui à la sienne.

Mieux encore, au creux de la nuit, ils discutaient inlassablement durant des heures. Henri lui avait montré tant de choses ! Dont savoir lire et écrire. Pour ce savoir inestimable, Armand lui en était éternellement reconnaissant.

Le voilà, une énième fois, qui se rend au jardin. Il observe les milliers de fleurs fermés à cette heure-ci. Les lapins sont muets, le perroquet dort. Il sait que Tournesol doit s'être trouvé un endroit pour s'endormir quelque part. Il aime s'y promener pieds nus et sentir la douleur provoquée par les graviers sur ses plantes de pied. Il déteste cette tranquillité habituelle quand il se trouve dehors. Il aimerait entendre le chant des oiseaux, sentir des gens s'agiter quand ils prennent soin des plantes. Même le vent est différent dans l'obscurité. Il se tient tranquille, sa caresse est tout autre.

Armand s'approche de l'enclos des lapins. Certains sont encore réveillés et sont concentrés sur des plateau de salades, ou autres légumes en tout genre. Il ouvre la petite barrière en bois et s'assoit près d'eux. Son mâle préféré à la fourrure toute noire s'approche de lui et s'installe sur ses genoux.