On l'abandonne pour quelques heures dans une pièce aux tons claires. Contrairement à ce qu'elle pensait, Henri accepta de retirer son lourd bandeau de fer. Elle n'aurait su dire pourquoi il transgressait ainsi les règles. Déjà qu'il était une première qu'on accordait à une gorgone le droit de vivre, voilà qu'on la laissait voir. Ça lui fit le plus grand bien.
Elle dévore du regard sa chambre en prenant soin d'insister sur le moindre petit détail. Elle avait longuement ignoré son appétit de voir. À présent, elle se rendait compte d'à quel point elle avait été affamée de son environnement. Elle aime à voir ce rose pâle qui domine la chambre, ces draps blancs. Ce lustre qui brille dans la lueur de l'après-midi. Sans compter ces grandes fenêtres qui donnent vu sur le plus beau jardin qu'elle ait jamais vu de sa vie. Elle voit, de loin, quelques arbres fruitiers fondés l'espace de pique-nique. Elle imagine déjà les jours heureux à profiter de la brise dans leur bienveillante ombre. Le ciel a rougit de fatigue, lentement il est peigné par le pinceau de la nuit. Jocelyne a eu le temps d'oublier toutes ces merveilles !
Ces beautés insoupçonnées de l'horizon, de la nature ! Dans un coin de la pièce, elle regarde la harpe qu'on lui a permit de ramener. C'est certainement son seul bien de son ancienne vie. D'autrefois, quand elle était au Couvent pour suivre une rude éducation. Elle se souvient des coup de baguette sur les doigts à la moindre fausse note. Tout comme du sentiment agréable quand un morceau résonne dans une pièce vide. Elle n'a plus jouer depuis de longs mois, ni chanter par ailleurs. Son cœur était enseveli sous une lassitude terrible qui l'immobilisait complètement.
Ces sentiments nostalgiques se perdent aussi dans la cascade de moments plus terribles. Comme quand elle avait été enfermée en prison. Dans une cellule froide, voir glacée, sans couverture. Elle se souvient de sa tenue d'enfermement. Une robe blanche beaucoup trop fine pour la saison, rendue sale par les murs auxquels elle se collaient. Elle se souvient aussi de la famine, des affres de la tristesse. Pire encore, elle se souvient de l'abandon de sa famille. Ses parents, avant cela si aimants, s'étaient mués en d'immondes créatures incapable d'amour. À les écouter, c'était de sa faute si elle s'était métamorphosé.
Chaque jour, elle entendait le sifflement terrible de ses nouveaux compagnons agités. Elle les haïssait de toute son âme. Néanmoins, elle devait reconnaître leur utilité. Maintenant privée d'yeux, ils réagissaient à son environnement pour elle. Parfois, ils l'informaient d'un obstacle ou d'un danger.
Dans cette chambre cependant, il y avait aussi son pire ennemi. Elle est folle, néanmoins, elle se poste devant lui. Son reflet la dégoûte au plus profond de son âme. Elle ne voit que les serpents qui s'agitent de plus en plus. Ils bougent dans tous les sens, certainement influencés par ses états d'âme. Il y a pire à ce tableau déjà peu attirant. Deux orbes d'argent complète son visage. Elle aurait presque adoré se statufier sur place. Elle en est immunisée. N'importe qui serait mort en regardant ses choses anormales. Souvent, elle a été tentée de prendre une paire de ciseaux pour s'énucléer les yeux. Elle n'a jamais eu le courage, rien que de penser à cette sournoise idée, ses mains tremblent. Le tourment attrape son ventre, valse avec son mal-être et fait tourner sa tête.
Jocelyne tombe à genoux devant le miroir. Elle laisse les larmes s'écouler. Elle ignore depuis combien de temps elle n'a pas eu la liberté de pleurer aussi librement, sans la présence de ce bandeau. Elle ressasse ces plus vils instants en des cristaux de douleur. Elle pense qu'elle ne pourra jamais arrêter cette cascade. Elle coule, tombe sur le tapis, s'échappe de ses doigts.
Elle déteste voir. L'obscurité a l'avantage de l'avoir épargné de se reconnaître dans la glace. Elle se trouve abjecte. Elle est devenue inhumaine, si rapidement qu'elle pensait hier sa vie toute tracée. Elle n'aurait jamais eu sa place au Petit Palais, jamais le Roi n'aurait mit une seule pièce pour quelqu'un comme elle.
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La Ménagerie du Roi
FantasíaDans un monde où des créatures magiques côtoient les humains, le Roi Hélios les collectionnent. Un cerbère humain, une gorgone, une selkie, un sorcier ... eux, ils ne rêvent que d'une chose : s'évader et connaître la liberté. Alors que le Roi va bi...