Captive d'un alien

Chapitre 14 : Interrogatoires

Maya

À l'instar du palier de l'étage inférieur, celui du premier niveau d'habitation est également décoré d'une scène représentant une femme ; mais au lieu de la voir cajoler un animal sauvage, elle figure entourée d'une foule d'enfants rieurs. Je détourne le regard avec un pincement au cœur, ma curiosité et mon enthousiasme quelque peu douchés après mon altercation avec Cassandra. Je suis le groupe à travers les couloirs à l'ambiance tamisée, quelque peu étonnée de voir que les portes sont si éloignées les unes des autres. Je comprends pourquoi lorsque la matriarche nous demande de former six groupes de trois. Ce niveau ne possède aucune chambre individuelle. Génial ! Il ne manquait plus que ça ! J'imagine que les valorisations hiérarchiques du Clan s'appliquent également dans l'attribution des logements du Noyau. Nous sommes littéralement en bas de l'échelle. Je soupire. Enfin, au moins, on ne nous impose pas nos colocataires. Si je devais me retrouver avec Ambre, je ne sais pas laquelle de nous deux craquerait la première avant de se jeter sur l'autre pour l'étrangler. Je secoue la tête, chassant l'image de la rousse tuméfiée suppliant à mes pieds, et le début de sourire sardonique qui point sur mon visage à cette pensée.

Les groupes se forment et comme prévu, n'ayant d'affinité avec personne, je suis presque instantanément mise à l'écart. Toutefois, je suis surprise de voir que Camilla a droit au même traitement. Bien qu'elle se soit arrêtée de pleurer, elle reste aussi pâle qu'un fantôme et garde les yeux obstinément rivés au sol. Il me semblait pourtant qu'elle connaissait certaines des filles avec nous. Pourquoi aucune d'elles ne cherche à la réconforter ? Quoi qu'il en soit, nous sommes associées d'office à une troisième femme dont les poings sont si serrés que ses jointures blanchissent. Aussi grande que mince, ses longs cheveux bruns sont emmêlés et lui tombent pratiquement devant les yeux, lui donnant un air d'hystérique à peine contrôlée. Il faut croire que personne ne voulait se retrouver avec l'asociale vindicative, la pleurnicheuse blafarde, ou la grande bizarre. Si la situation n'était pas aussi merdique, j'en rirais.

Cassandra attribue la porte devant laquelle nous sommes au premier trio, composé de trois blondes visiblement peu rassurées, puis poursuit son chemin sans attendre. Lorsque nous arrivons devant la nôtre, mes nouvelles colocataires restent tout aussi figées devant la porte, comme si celle-ci pouvait leur sauter au visage. Je laisse échapper un nouveau soupir agacé et attrape la poignée d'un geste brusque, faisant sursauter Camilla. Je pousse le battant et pénètre dans nôtre nouvel espace avec détermination. Une fresque subtilement gravée habille les murs incurvés de la chambre, me donnant presque l'impression d'avoir mis les pieds dans un véritable jardin fleuri. La pièce est aussi lumineuse et accueillante que le reste du Noyau, me faisant presque oublié l'absence de fenêtre. Une bibliothèque et une grande armoire ouvragées ornent un côté de la chambre, complétées d'un grand miroir en pied. Plus au fond, de fines tentures mordorées tombent du plafond dans un drapé aérien autour du coin nuit, tandis qu'un paravent dissimule un cabinet de toilette raffiné, légèrement à l'écart. L'ensemble est parfait d'une causeuse au centre, agrémentée de coussins douillets et d'une desserte surmontée d'une corbeille de fruits. Si je n'étais pas ici contre mon gré, j'aurais littéralement fondu devant cette chambre. Mais bon, il faut parfois savoir redescendre sur Terre. Ou sur At Jhak'an, en l'occurrence. Je laisse échapper un long soupir. Je ne suis pas prête de quitter cette planète.

- C'est plus joli que ce à quoi je m'attendais, murmure Camilla.

- Vu leur démographie, ils ont tout intérêt à nous donner envie de rester ici, acquiesce la brune avec cynisme.

Je souris, amusée malgré moi par sa repartie. Je n'aurais pas dit mieux.

- J'aurais pas cru que ça te ferais rire ! poursuit-elle en me fixant d'un regard accusateur. D'ailleurs, on peut savoir où tu étais pendant le voyage ? Parce que ce n'était pas avec nous, ça c'est sûr !