Chapitre 9

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Le plan du Comte de Monte-Cristo avançait avec une précision diabolique.
Chaque pièce se mettait en place, comme dans un jeu d'échecs où nous étions tous des pions, dirigés par la volonté implacable du Comte. Albert, le fils de Fernand, était tombé dans le piège avec une facilité déconcertante. Il m'admirait, me suivait du regard avec cette fascination sincère, presque naïve. Il était tout ce que je devais feindre de désirer: respectueux, gentil, poli. Il m'offrait sans le savoir l'opportunité parfaite de jouer mon rôle à la perfection.

Andrea, lui, continuait son propre rôle, un rôle bien plus douloureux. Il devait séduire Eugénie, celle qui était, à son insu, sa demi-sœur. Je pouvais voir la tension dans ses yeux, même lorsqu'il tentait de rester impassible, son sourire charmeur masquant à peine le malaise profond qui le rongeait. Ses caresses étaient plus fréquentes, plus protectrices. À chaque moment volé entre deux intrigues, ses mains retrouvaient le chemin de mon corps, comme s'il cherchait à ancrer notre lien dans quelque chose de tangible, loin de l'incertitude et de la douleur qui pesait sur ses épaules.

Un jour, lors d'une chasse organisée par Fernand, tout bascula pour Andrea. Le Comte avait été invité, tout comme Andrea, à participer à cette chasse dans les dans les vastes forêts entourant le domaine de Fernand. Il y avait à ces côtés le procureur Villefort.
C'était la première fois qu'Andrea se retrouvait face à face avec son père, cet homme qui ignorait tout de lui. Dès l'instant où leurs regards se croisèrent, je vis le masque d'Andrea se fissurer. Il fut pris d'une émotion intense, une combinaison de colère, de haine et d'injustice.
Villefort, avec son arrogance habituelle, ne remarqua rien. Pour lui, Andrea n'était qu'un autre jeune homme parmi d'autres.

Durant cette chasse, je restais en retrait, observant Andrea de loin. Son visage, habituellement si maître de lui-même, trahissait une lutte intérieure terrible.
Pourtant, il ne laissa rien paraître devant les autres.
Mais lorsque nos regards se croisèrent, je sentis cette tempête en lui. Une tempête qu'il ne voulait pas montrer, par peur de se dévoiler entièrement devant moi.

Après la chasse, je rejoignis Andrea à l'abri des regards indiscrets. Il se tenait seul, près d'un arbre, son regard perdu dans la profondeur de la forêt. Je m'approchai lentement, sentant qu'il avait besoin de mon soutien, de ma présence.

— « Andrea, je sais que ça te fait du mal, » murmurai-je en posant une main délicate sur son bras. « Tu n'as pas à cacher ce que tu ressens, surtout pas avec moі. »

Il ferma les yeux un instant, prenant une profonde inspiration, comme s'il luttait contre l'envie de tout laisser éclater. Ses mains vinrent trouver les miennes, et il serra doucement mes doigts.

— « C'est plus compliqué que ça, » répondit-il, sa voix rauque, pleine de frustration. « Je ne veux pas te montrer... te montrer à quel point ça me touche, parce que j'ai peur que tu te lasses de cette faiblesse. »

Je fus touchée par ses mots mots, et sans hésiter, je me rapprochai de lui, posant mes mains sur son torse, sentant son cœur battre rapidement sous ma paume. Il me regarda intensément, ses yeux brillants d'émotion.

— « Andrea, » dis-je doucement, mes doigts effleurant son visage. « Tu n'as pas à te protéger de moi. Je me soucie de toi, plus que tu ne le crois. Si quelque chose te fait du mal, si cette situation te ronge, je veux que tu me le dises. Je suis là pour toi, toujours.»

Il baissa la tête un instant, son souffle s'accélérant sous mon toucher. Je savais qu'il luttait pour garder le contrôle, mais en cet instant, il laissa ses murs tomber. Ses bras m'enlacèrent avec une possessivité tendre, mais intense. Il me serra contre lui, son visage caché dans mes cheveux, comme s'il cherchait refuge dans ma présence.

— « Je ne veux pas te perdre, » murmura-t-il contre mon cou, sa voix brisée par une émotion qu'il ne pouvait plus contenir.
« Je ne veux pas que tu me vois comme quelqu'un de faible. »

Je le serrai plus fort, mes mains caressant doucement ses cheveux, son dos. Ses doigts glissèrent sur ma taille, montant le long de mon dos avec une délicatesse contrastant avec la force de son étreinte. Cette proximité était devenue notre langage. Je pouvais sentir sa douleur, sa frustration, mais aussi l'amour profond qu'il éprouvait pour moi.

— « Tu n'es pas faible, Andrea. Jamais je ne pourrais me lasser de toi, » lui soufflai-je en caressant doucement sa joue. « Tu es fort, mais même les plus forts ont le droit de craquer. »

Il releva lentement la tête, plongeant ses yeux dans les miens. Il y avait dans son regard une intensité que je n'avais jamais vue auparavant, une vulnérabilité qui rendait cet instant encore plus précieux. Je sentais son besoin de moi, autant que je ressentais le mien de lui.
Les jours suivants furent marqués par cette proximité grandissante.

Andrea était de plus en plus tactile, et je pouvais sentir à chaque caresse, à chaque baiser, à quel point il s'était attaché à moi, à quel point il dépendait de notre lien. Et, de mon côté, je ne pouvais nier que cela me plaisait. Ses doigts trouvaient toujours le chemin de mon corps, glissant sur ma peau avec une familiarité qui me procurait une chaleur intense. Il devenait possessif, mais cela ne me déplaisait pas. Au contraire, je trouvais dans ses gestes une sorte de réconfort, une sécurité étrange.

Le plan du Comte avançait également. Albert, toujours sous mon charme, continuait de tomber dans le piège. Chaque regard qu'il me lançait, chaque sourire qu'il m'adressait me rapprochait de l'accomplissement de notre vengeance. Andrea, de son côté, jouait son rôle avec une maîtrise froide, même si je pouvais voir que cela le rongeait. Sa jalousie, bien que contrôlée, transparaissait parfois dans ses regards lorsqu'il voyait Albert trop proche de moi.

Puis vint le jour où Fernand et Albert furent invités au château. Le Comte avait tout prévu. Albert était tombé dans un piège parfaitement conçu, et Fernand, aveuglé par son arrogance, ne voyait rien venir. C'est ce soir-là qu'Andrea me demanda à nouveau de venir dormir avec lui.

Je rejoignis ses quartiers, et comme chaque fois, il m'accueillit avec une tendresse mêlée de possessivité. Ses mains glissèrent sur mon dos, mes cuisses, mon cou, comme s'il voulait s'assurer que je lui appartenais. Il aimait sentir mon corps sous ses doigts, et je pouvais voir dans son regard que chaque caresse, chaque baiser, était une preuve pour lui que je n'appartenais à personne d'autre.

— « Quand est-ce que tu allais enfin me demander de te rejoindre ? » plaisantai-je doucement en passant mes doigts dans ses cheveux.

— « Je t'attendais, » murmura-t-il en me serrant contre lui. « Je t'attendrai toujours. »

Cette nuit-là, nos corps se mêlèrent une fois de plus dans une danse silencieuse, faite de caresses et de regards intenses. Mais au fond de moi, je savais que la tempête approchait. Le piège du Comte allait bientôt se refermer, et avec lui, tout ce que nous avions bâti pourrait s'effondrer.














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Amour vengeresse Où les histoires vivent. Découvrez maintenant